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Le côté sombre de l’électronique

L’électronique est omniprésente dans le monde moderne. Elle nous rend d’immenses services, mais un jour ou l’autre, question de mode, d’obsolescence (planifiée ou non) ou simplement parce qu’il en coûte moins cher d’acheter du neuf que d’aller voir le réparateur, tous ces appareils deviendront des déchets et finiront au rebut. Selon un rapport des Nations Unies, The Global E-waste Monitor 2017, paru le 13 décembre, ce sont 45 millions de tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques (DÉÉÉ) qui ont été gérés dans le monde en 2016, une hausse de 8% par rapport à 2014. Chaque Terrien produit en moyenne 6,1 kilogrammes de DÉÉÉ par année !

Cela est d’autant plus dramatique que, malgré les injonctions à la prudence et à la mise en œuvre de moyens de prévention comme l’éco-conception et le recyclage, le phénomène qu’on voyait venir depuis plus de vingt ans est en pleine explosion. Seulement 20% de cette production est réellement collectée et recyclée. Pour les 80% restants c’est le flou total puisqu’aucune donnée précise n’est disponible. Cela veut dire en clair qu’ils disparaissent dans la nature, les lieux d’enfouissement et les incinérateurs… Or les DÉÉÉ contiennent des minéraux rares et produisent des substances toxiques lorsqu’ils ne sont pas correctement traités.

Au Québec, cette question se pose depuis un certain temps. Il y a dix ans déjà, certains centres comme le Carrefour Environnement Saguenay se sont intéressés au domaine et ont développé une expertise dans le démantèlement, la remise en état, la revente d’appareils et le recyclage des composantes hors d’usage et des matériaux valorisables dans les déchets électroniques. Aujourd’hui, ARPE-Québec est un organisme à but non lucratif reconnu par RECYC-QUÉBEC qui a pour mandat de récupérer et de valoriser les produits électroniques en fin de vie utile au Québec. Le Carrefour Environnement Saguenay reçoit les appareils hors d’usage de tout l’est du Québec.

Alors quoi faire ? Sur le site de Recyc-Québec, on peut consulter la page «On en prend soin» (http://onenprendsoin.recyc-quebec.gouv.qc.ca/produits-electroniques/) qui indique à quel endroit et quels DÉÉÉ peuvent être disposés pour le recyclage et le traitement. C’est bien, mais dans un monde idéal, il faut réduire à la source les DÉÉÉ comme les autres déchets. La première chose à faire est de se poser la question du besoin réel. Est-ce que j’achète bien le bon appareil pour mes besoins ?

Même si un appareil peut paraître séduisant dans la publicité, si on ne l’utilise pas à plein, son prix réel par heure d’utilité se met à augmenter tout comme l’impact relatif de sa fabrication et de sa disposition. Contrairement à l’automobile, dont la majorité des impacts se trouvent dans sa phase d’utilisation, l’impact des appareils électroniques réside dans les étapes de production et de disposition comme c’est le cas pour les meubles ou les vêtements.

Par exemple, la durée de vie moyenne d’un téléphone portable est de moins de deux ans. Si on prolonge sa vie utile de six mois, on diminue son impact relatif de 25%, si on le garde un an de plus, on réduit l’impact jusqu’à 40%. Les appareils électroniques sont des composantes de la vie moderne et ils nous rendent de grands services, mais personne ne doit ignorer le côté sombre des DÉÉÉ. Espérons que cette chronique aura su l’éclairer un peu !

Le Canada paraît mal!

L’objectif de ces examens est de donner une image impartiale de la performance des pays membres et d’instaurer un dialogue avec les gouvernements dans un processus d’amélioration continue.

Le verdict est inquiétant : « … le pays a découplé sa croissance économique de diverses sources de pressions environnementales. Il reste néanmoins confronté à plusieurs défis liés à la consommation élevée d’énergie et de ressources, aux importantes émissions de gaz à effet de serre et aux pressions locales exercées sur la biodiversité et les ressources hydriques. » Le rapport souligne aussi que de nombreuses collectivités autochtones ne bénéficient pas d’un accès égal à certains services essentiels et se trouvent davantage exposées aux risques environnementaux.

En effet, nous avons continué à augmenter nos émissions de gaz à effet de serre, particulièrement pour l’exploitation des sables bitumineux et dans le domaine du transport. Des grandes villes comme Montréal et Vancouver ne sont pas équipées d’installation d’épuration des eaux de pointe et de nombreuses collectivités autochtones sont confrontées à des conditions de vie dignes du tiers-monde.

Pour une économie qui figure au dixième rang des pays membres de l’OCDE, le Canada est le quatrième plus grand émetteur de gaz à effet de serre et ses émissions ne semblent pas s’infléchir. En effet, nous émettons 20 % plus qu’en 1990 malgré qu’il faudrait que nous soyons à 20 % de moins en 2020 pour contribuer à l’effort mondial.

Reconnaissant les intentions affichées par le nouveau gouvernement d’imposer une tarification du carbone à partir de 2018 et de se donner un cadre pour une croissance propre, le rapport contient néanmoins 46 recommandations adressées au gouvernement fédéral et aux provinces pour améliorer leur performance. Car si les intentions sont une chose, l’action en est une autre.

Dans le domaine des déchets, la situation n’est pas vraiment brillante. À peine 25 % des matières résiduelles sont dirigées vers le recyclage et le compostage. Le reste est enfoui ou incinéré et nous sommes parmi les plus grands producteurs de déchets per capita au monde, ce qui nous range parmi les plus mauvais de l’OCDE. L’utilisation des pesticides en agriculture a beaucoup augmenté depuis 2000 (40 % de plus dans les cinq dernières années) alors que l’usage d’engrais azotés a crû deux fois plus vite que la production agricole, ce qui est le plus mauvais score de l’OCDE.

Bien sûr, cela ne peut qu’affecter la qualité de l’eau de surface. On le remarque en particulier dans le lac Winnipeg, les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. Quant à l’objectif de protéger 17 % de la superficie des terres et 10 % du littoral en 2020, les examinateurs concluent que ce sera virtuellement impossible d’y arriver.

Bref, le Canada paraît mal. Bien sûr, la période examinée a été dominée par le gouvernement Harper, mais bien des prérogatives environnementales appartiennent aux provinces dont les gouvernements n’ont pas tellement brillé dans le domaine. Il est intéressant de lire cet examen environnemental. Cela nous montre qu’il reste beaucoup de travail à faire. L’année 2018 nous promet des défis intéressants. Ce serait bien que nous puissions mieux faire la prochaine fois !

Des gains faciles

Un rapport de l’OCDE de la série « Examens environnementaux » paru le 19 décembre montre que le Canada, en dépit de ses beaux discours, n’atteindra pas ses cibles en raison de la croissance de ses émissions dans le domaine de l’exploitation des sables bitumineux et du transport. Le Québec n’est pas non plus en reste alors qu’il est très loin de sa cible de -20 % en 2020 et encore plus de la cible annoncée à Paris en 2015 de réduire ses émissions de 37,5 % en 2030. Pourtant il existe des moyens plus faciles que d’autres pour réduire significativement nos émissions de gaz à effet de serre, avec des moyens techniques bien maîtrisés et au bénéfice de l’économie des régions forestières du Québec. La substitution du mazout par de la biomasse forestière résiduelle dans le chauffage des institutions ou dans des chaufferies communautaires figure au premier rang de ces options faciles à mettre en œuvre.

L’exploitation forestière laisse sur les parterres des quantités importantes de bois dont l’industrie ne trouve pas usage, soit parce que le diamètre des tiges ne permet pas le sciage ou parce que les arbres ont été affectés par les insectes. Ces bois résiduels présentent un potentiel énergétique important qui peut permettre de remplacer le pétrole ou le gaz naturel avantageusement, surtout si on considère la réduction des gaz à effet de serre. Il y a plusieurs hôpitaux qui ont installé des chaufferies utilisant la biomasse forestière. Il y a deux ans, nous avons fait l’analyse de cycle de vie de ce genre d’initiative pour l’hôpital d’Amqui, dans la Matapédia. Les résultats étaient impressionnants : même si l’hôpital n’utilisait que 10 % de mazout pour 90 % d’électricité, la conversion de la chaudière pour la biomasse forestière résiduelle produite localement par la coopérative forestière était non seulement rentable, mais permettait des réductions significatives d’émissions de GES. Selon Vision Biomasse Québec, à l’horizon 2025, le potentiel de réduction pour le Québec hors Montréal serait de 1 million de tonnes de CO2 par année, soit 1,3 % des émissions totales de l’inventaire. En Europe, le chauffage à la biomasse fait partie des stratégies de réduction des émissions de GES, pour les chauffages collectifs et même pour certaines centrales thermiques au charbon.

Pour l’économie locale, la production de carburants de biomasse comme les plaquettes ou les granules est un facteur de création d’emplois et pourrait contribuer à diminuer la balance commerciale du Québec de 225 millions de dollars par année que nous coûtent les importations de mazout, de propane et de gaz naturel.

Dans le contexte de la fermeture de la centrale de chauffage de Chicoutimi, il est étonnant qu’on semble avoir écarté le chauffage à la biomasse forestière résiduelle pour préférer de plus petites unités alimentées au gaz naturel. Bien sûr, les équipements alimentés au gaz naturel coûtent moins cher à l’installation et demandent peu d’entretien. Mais le coût des combustibles fossiles va augmenter rapidement avec l’imposition par Ottawa d’un prix de la tonne d’émissions qui devrait atteindre 50 $ en 2022. Je ne sais pas si cela a été intégré dans les calculs. En outre, les cendres d’une centrale alimentée à la biomasse forestière peuvent être utilisées comme amendements pour l’agriculture, un élément intéressant en termes de développement durable. Il serait important que cette option soit étudiée plus avant. La Chaire TERRE du Cégep de Jonquière a développé une grille de développement durable spécialisée pour les fournitures d’énergie renouvelable. Ce serait peut-être une bonne idée de l’utiliser avant d’aller plus loin.

Choisir le bon indicateur

Les Russes avaient gagé, en regardant l’activité solaire prévue entre 2012 et 2017, que les six années allaient être moins chaudes que les six années entre 1998 et 2005, qui représentaient jusqu’alors la période la plus chaude enregistrée depuis 1880. Prévoyant que l’activité solaire serait faible, ils gagèrent 10 000 $ sur leur hypothèse alors que l’Anglais, sur la foi des prévisions de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, affirmait que la moyenne des températures globales serait plus chaude. Le site de l’Agence américaine de l’atmosphère et des océans (https ://www.ncei.noaa.gov) a été choisi par les deux parties comme référence.

Au moment d’écrire ces lignes, le 3 janvier 2018, les chiffres officiels pour la moyenne climatique 2017 n’étaient pas encore mise à jour pour le mois de décembre. Toutefois, il est d’ores et déjà acquis que l’année 2017 se range comme la troisième plus chaude de l’histoire, précédée par 2016 et 2015. L’Anglais pourra donc collecter son argent dès la semaine prochaine.

Cette anecdote me permet d’enfoncer encore un peu le clou des climato-sceptiques qui affirment encore que les variations du flux solaire sont la principale explication au réchauffement climatique observé depuis les années 1980. Bien sûr, l’énergie lumineuse qui nous provient du soleil est la principale source d’énergie qui constitue le moteur des phénomènes climatiques. La chaleur ressentie vient de l’absorption de la lumière par les corps colorés et sa réémission sous forme de chaleur. Mais c’est la composition de l’atmosphère en GES qui détermine jusqu’à quel point cette chaleur restera dans l’atmosphère. Les réactions de fusion nucléaire qui se produisent dans le soleil connaissent certaines variations qui se traduisent par le cycle des taches solaires. Donc, la quantité d’énergie qui nous parvient du soleil est un peu moins grande ou un peu plus grande (de l’ordre de 0,1 %). On peut trouver des informations à ce sujet dans l’encyclopédie de l’environnement (http ://www.encyclopedie-environnement.org/climat/variabilite-de-activite-solaire-impacts-climatiques/)

En revanche, les humains émettent chaque année de l’ordre de 50 milliards de tonnes (CO2 équivalent) de GES, dont environ la moitié ne peuvent être absorbés par les puits naturels, au premier chef les océans et les forêts. L’atmosphère s’enrichit donc chaque année de ces gaz qui retiennent la chaleur réémise par la surface terrestre éclairée par le soleil. Ce phénomène a été décrit au 19e siècle et les mesures de la concentration des GES dans l’atmosphère montrent une augmentation systématique et directement mesurable depuis 1958. Les modélisateurs du climat utilisent donc l’évolution de la concentration des GES comme facteur principal pour prédire l’évolution future du climat. C’est le meilleur indicateur et notre Anglais a bien fait de lui faire confiance pour prendre son pari.

L’hiver a jusqu’à maintenant été plus froid que la moyenne dans l’Est de l’Amérique du Nord. L’ineffable président des États-Unis en a profité pour remettre en doute l’existence des changements climatiques. Sa crédibilité scientifique étant ce qu’elle est, cela ne porte pas trop à conséquence. En revanche, s’il vous reste un mon oncle climato-sceptique ou un animateur de radio qui dit la même chose, pourquoi ne pas prendre un pari sur les moyennes de température globale de la prochaine période de faible rayonnement solaire ?

Sachant que les engagements des pays dans l’Accord de Paris sont très en dessous des efforts nécessaires pour stabiliser le climat au 21e siècle, c’est un pari gagné d’avance si vous choisissez le bon indicateur. Misez gros !

Chaud-froid

L’explication proposée par les auteurs de l’étude est fort intéressante. L’Arctique est la région qui se réchauffe le plus rapidement sur la planète. Depuis près de 40 ans qu’on mesure la surface des glaces par satellite sur l’océan arctique, celle-ci diminue constamment à la fois en épaisseur et en étendue. Résultat ? La surface d’eau libre permet que l’énergie solaire, au lieu d’être reflétée en été par un couvert blanc, est absorbée par un océan bleu. Plus d’énergie, donc plus de chaleur. Plus de chaleur emmagasinée dans l’eau retarde la prise des glaces à l’automne. Jusque là, ce n’est pas sorcier. Mais pour fabriquer la glace, il faut que l’énergie de l’eau soit transférée dans l’atmosphère. L’Arctique connaît donc des automnes plus doux qu’autrefois. Et c’est là que le bât blesse. En effet, à l’automne se met en place un courant d’air dans la stratosphère (plus de 15 kilomètres d’altitude). Ce courant circulaire (appelé vortex polaire) qui fait le tour de la planète tend à créer une zone de haute pression qui explique que l’air très froid reste emprisonné au-dessus de la région polaire pendant l’hiver. C’est du moins ce qui se passe habituellement.

Avec le réchauffement de la région arctique depuis 40 ans, le vortex polaire s’affaiblit. Au lieu d’être circulaire, il fait des ondulations. Des poches en quelque sorte. Et c’est ainsi que des masses d’air qui autrefois étaient confinées aux plus hautes latitudes de l’hémisphère nord descendent vers chez nous et, à la faveur des dépressions tropicales qui affectent l’Atlantique, nous amènent des temps froids et venteux. L’explication rassure, mais ne réchauffe pas !

En effet, il n’y a rien de catastrophique pour nous qui sommes adaptés à l’hiver. Pour certains, c’est désagréable parce qu’ils sont mal habillés (à qui la faute ?). Pour d’autres, rien de plus pressé que d’arroser la glace pour la faire épaissir. Il faut reconnaître qu’il y a des priorités dans la vie. La pêche sur la glace en est clairement une.

Selon l’article, le vortex polaire fait beaucoup plus de poches depuis 40 ans. Donc, lorsque cela se produit, il y a des périodes où l’hiver ressemble plus à l’hiver. Malheureusement ou heureusement, les hivers moyens continueront d’être toujours plus chauds, avec de temps en temps une longue période qui donnera le goût de se construire un igloo.

Depuis plusieurs années, les pêcheurs pestent parce que la glace tarde à épaissir. N’allons pas les contrarier cette année ! Une fois n’est pas coutume. Et, pour ceux et celles qui se plaignent du froid, rappelez-vous qu’il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que de mauvais vêtements. Vendredi, je regardais mes petits enfants jouer dans la neige. Ils n’avaient surtout pas froid !

Nous avons des fabricants de vêtements de plein air dans la région et au Québec qui équipent des expéditions polaires et des alpinistes. Pourquoi ne pas faire rouler l’économie locale ?

Pour apprécier l’hiver pendant qu’il en reste, suivez le conseil de l’Abominable Charles des Neiges (deux ans et demi) et allez jouer dehors. Ça vous donnera des couleurs.

Une augmentation de solaire?

La diminution du coût des panneaux solaires n’est pas le seul facteur en compte dans cette dynamique. Le développement de micro réseaux électriques est en pleine expansion, dans des milieux isolés, mais aussi à l’échelle expérimentale dans des villes, par exemple New York et Boston, où on teste la notion de réseaux intelligents combinant la production d’électricité de source renouvelable, le stockage dans des batteries lithium-ion, la domotique et les automobiles électriques. Il devient ainsi possible de prétendre à une autonomie ou à une quasi-autonomie énergétique, à condition naturellement de disposer de la technologie. D’autre part, l’efficacité énergétique de l’enveloppe des bâtiments et de l’appareillage installé doit être maximisée, sans quoi il y a peu de chances que ce genre de système soit économiquement viable.

Dans sa stratégie de transition énergétique, le Québec s’est fixé des objectifs ambitieux : par exemple, d’ici 2030 il faudrait améliorer de 15 % l’efficacité énergétique, augmenter de 25 % la production d’énergie renouvelable et augmenter de 50 % la production de bioénergie. Si cela se réalisait, il est bien certain qu’Hydro-Québec devrait ajuster son portefeuille de projets. Les grands développements hydroélectriques ne seront plus justifiés, puisque la demande va diminuer plus vite que la croissance de l’économie. Et cela, même si on procède massivement à l’électrification des transports. En effet, l’automobile électrique consomme beaucoup moins que son homologue à essence. Pour sa part, l’implantation d’industries grandes consommatrices d’électricité exige à la fois de l’énergie et de la puissance. Cela ne pourrait qu’augmenter les coûts marginaux de production. En effet, s’il est facile de moduler la puissance d’une centrale hydroélectrique (tant qu’on dispose de réserves d’eau) il est beaucoup plus compliqué d’obtenir la puissance sur demande avec des centrales solaires ou des parcs éoliens, qui doivent reposer sur le réseau pour équilibrer les fluctuations naturelles de l’ensoleillement et du vent.

Le modèle dominant de la fourniture énergétique va changer partout dans le monde dans le contexte de la lutte aux changements climatiques, et ce, d’autant plus qu’on produit de l’électricité à partir de combustibles fossiles. Il est fort probable que les coûts des appareils servant à la production d’énergie à partir de sources renouvelables (vent, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie) vont diminuer à mesure que la production de masse va les rendre plus efficaces. Au Québec toutefois, nous disposons déjà de sources d’électricité renouvelable à 99 %. C’est difficile de faire mieux. Il y a très certainement une place pour l’autoproduction à partir de panneaux solaires, mais la pression se fait moins sentir ici qu’ailleurs.

Qu’Hydro-Québec s’inquiète de son modèle d’affaires à l’horizon 2030, c’est sain. Mais il est peu probable que la transition se fasse de façon si brutale qu’on ne puisse s’y préparer. Le parc de maisons neuves n’augmente pas si vite et il n’y a qu’une faible proportion des propriétaires qui adoptent l’autoproduction. Les batteries de forte puissance sont encore des prototypes. Hydro-Québec a encore de beaux jours devant elle.

Un pas vers la ville durable

Le développement durable, dans sa conception moderne, s’incarne actuellement dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (PDD-H2030) adopté par les Nations Unies en septembre 2015. Parmi les 17 objectifs qui le composent, le dixième s’intéresse spécifiquement aux villes et se lit comme suit : « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. » Il s’accompagne de dix cibles qui devraient en soi constituer un plan d’action pour les administrations municipales.

La deuxième cible porte sur la mobilité : « D’ici 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable, en améliorant la sécurité routière, notamment en développant les transports publics, une attention particulière devant être accordée aux besoins des personnes en situation vulnérable, des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées ».

Pour les transports publics, cela signifie bien sûr d’augmenter l’accessibilité au service, mais dans un territoire comme Saguenay, cela comporte de nombreux défis, au premier chef la préférence des gens pour l’automobile. L’habitude est bien ancrée de se déplacer en solo et le nombre d’automobiles par foyer constitue un obstacle qui oppose une forte résistance à l’utilisation du transport en commun. L’automobiliste moyen a l’impression que son véhicule ne lui coûte que les frais d’essence pour se déplacer à sa guise.

Payer ses passages en autobus lui apparaît une dépense supplémentaire, alors que l’auto est déjà à la porte.

Par ailleurs, les horaires, les trajets et les temps de transport en commun sont rarement optimisés pour les besoins individuels. Donc, malgré les efforts de la STS pour desservir l’ensemble du territoire de Saguenay, les autobus sont trop souvent vides.

Le projet Accès libre vise à augmenter la desserte de l’UQAC et des autres institutions situées sur le plateau de Chicoutimi (CEGEP, CIUSSS) en implantant un terminus, des circuits à haute fréquence pour la Zone Talbot, la rue Racine, des stationnements incitatifs ainsi que des dessertes plus rapides et plus efficaces vers les arrondissements de Jonquière et de La Baie, y compris des navettes spéciales les soirs de party.

De plus, la STS va offrir aux étudiants de l’Université un tarif très avantageux de 40 $ par trimestre, au lieu de près de 200 $ dans la tarification actuelle. Mais mieux encore, ce même tarif permettra d’utiliser des vélos électriques et des automobiles électriques qui seront basés au nouveau terminus.

Ce cocktail transport intermodal devrait permettre à une proportion significative de la clientèle étudiante de laisser l’auto à la maison ou carrément de se dispenser d’en posséder une. Le projet va s’implanter progressivement en 2018-2019.

Ce projet innovateur correspond presque point pour point à la proposition que je faisais pour la mobilité durable et s’inscrit tout à fait dans l’atteinte de la deuxième cible de l’ODD 10. C’est certes un premier pas encourageant vers le développement durable, et sera d’autant plus en phase avec le PDD H-2030 si les autres organisations ciblées s’y inscrivent et que l’offre de tarifs préférentiels est élargie au personnel des institutions desservies.

Un problème émergent

En employant ces semences, l’agriculteur peut éliminer les mauvaises herbes rapidement des cultures comme le maïs ou le colza. Apparu en 1974 sous brevet de la compagnie Monsanto, il est rentré dans le domaine public en 2000 et est produit depuis par plusieurs autres compagnies. Le glyphosate tue les plantes en les empêchant de fabriquer des molécules qui leur sont indispensables pour leur métabolisme. Les plantes génétiquement modifiées disposent d’enzymes bactériennes qui leur permettent d’utiliser une voie métabolique qui n’est pas affectée par l’herbicide pendant quelques jours. Elles survivent donc à l’épandage pendant la dégradation de l’herbicide et couvrent complètement le terrain par la suite, ce qui réduit la nécessité pour l’agriculteur d’effectuer du sarclage ou du hersage.

Ces jours-ci, en Europe, le glyphosate fait débat. De nombreux pays veulent en interdire l’utilisation d’ici moins de 10 ans. Les raisons invoquées sont doubles. D’abord, le Centre international de recherche sur le cancer, une division de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a classifié en 2015 le glyphosate comme « cancérigène probable ». Par ailleurs, des documents obtenus en marge d’un procès en cours aux États-Unis par le journal Le Monde ont justifié une série d’articles montrant que l’entreprise Monsanto avait rémunéré des scientifiques pour produire, sous leur nom, des études écrites partiellement par des employés de l’entreprise. Ces textes ont pu tromper les autorités sanitaires.

Cette tricherie explique peut-être qu’en 2016, un panel d’experts de la FAO et de l’OMS a conclu qu’il est improbable que le glyphosate soit cancérigène par voie alimentaire, comme plusieurs agences de sécurité sanitaire, de protection de l’environnement ou d’agriculture dont Santé Canada qui a statué sur le sujet en avril dernier. Il n’en fallait pas plus pour que certains groupes lèvent des doutes sur la fiabilité de leurs conclusions. Jusqu’à nouvel ordre, le caractère cancérigène probable du glyphosate demeure donc un élément sérieux pour qu’on réclame son interdiction. Cela ne fait pas nécessairement l’affaire des agriculteurs.

Les parlementaires européens ont beaucoup de mal à s’entendre sur ce dossier. Nicolas Hulot, le ministre de l’écologie français veut bannir le produit d’ici trois ans. On pense que la Commission européenne le bannira d’ici 5 à 10 ans. Aux États-Unis et au Canada la question ne semble pas à l’ordre du jour. Pourtant nous sommes de beaucoup plus gros utilisateurs de glyphosate que les Européens et les champions dans le domaine sont toujours le Brésil et l’Argentine.

Cancérigène ou pas, le glyphosate utilisé massivement a favorisé l’apparition de « super mauvaises herbes » résistantes, avec lesquelles plusieurs agriculteurs ont des problèmes. Il existe bien des solutions, mais l’expérience nous montre que l’efficacité de cet herbicide ira en décroissant dans les prochaines années.

L’histoire du glyphosate illustre bien les défis d’une agriculture durable. Ce produit miracle a été répandu partout. On a fait fortune avec des plantes qui en sont dépendantes dans la régie agricole. Beaucoup d’agriculteurs se demandent comment ils pourraient faire autrement. Mais on se rend compte que le glyphosate persiste plus longtemps que ce que prétendait son fabricant et que ses traces se retrouvent dans le sol, dans l’eau et dans la nourriture. Devrions-nous attendre d’être sûrs de son innocuité avant de songer à s’en passer ? Les solutions alternatives sont connues, pourquoi ne pas les appliquer ?

Claude Villeneuve

Des croisières qui réchauffent

La flotte maritime mondiale regroupe environ un demi-million de bateaux, des cargos aux paquebots qui promènent les touristes un peu partout sur les sept mers. S’il est facile de calculer la consommation de carburant d’un bateau et de déduire les émissions de gaz à effet de serre qui en résultent, évaluer la situation globale des émissions de la marine est d’autant plus difficile que les entreprises qui les exploitent ne sont pas tenues de faire des inventaires et que les émissions ne sont pas comptabilisées dans le bilan des pays où ils sont immatriculés. On estime néanmoins que la flotte commerciale produit plus d’un milliard de tonnes de CO2, c’est-à-dire entre 2 et 3 % du total des émissions mondiales. C’est plus que le Canada dans l’ensemble de ses activités. Or, il n’existe aucune mesure pour mettre un plafond sur ces émissions. C’est un sujet qui a été discuté lors de la dernière réunion de l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence des Nations Unies qui propose des normes de sécurité et d’environnement pour la marine marchande. En effet, les armateurs sont allergiques aux réglementations. Ils préfèrent nettement les mesures volontaires. Or dans ce domaine, les mesures volontaires se sont avérées particulièrement inefficaces dans le passé.

L’OMI dispose d’un groupe de spécialistes qui ont proposé l’idée d’un système de marché du carbone basé sur le principe du plafonnement des émissions et des échanges de crédits résultant de leur réduction. Malheureusement, la dernière réunion de l’OMI n’a pas reçu cette proposition avec beaucoup d’enthousiasme. On veut bien proposer des normes d’efficacité énergétique pour les nouveaux navires, mais des choses aussi simples que la réduction de la vitesse, le nettoyage plus fréquent des coques et autres mesures permettant de réduire la consommation de carburant ne sont pas à l’ordre du jour. Évidemment, un système de plafonnement et d’échanges serait difficile à mettre en place et à vérifier. En revanche, des mesures aussi simples que l’imposition d’une taxe carbone sur le carburant des bateaux permettrait de stimuler la bonne volonté des armateurs. Malheureusement, il faudrait que cette taxe soit imposée dans tous les pays à la même hauteur pour éviter des distorsions du marché.

Le problème est important et la solution ne viendra pas d’elle- même. En revanche, supposons qu’on travaille à responsabiliser les usagers. Dans une croisière, selon le bateau et le nombre de passagers, la consommation quotidienne de carburant varie entre 100 et 400 litres de mazout par personne transportée. Cela veut dire qu’une croisière génère pour chaque passager entre une tonne et cinq tonnes de CO2. La première étape ne serait-elle pas d’offrir aux voyageurs d’acheter des crédits compensatoires pour réduire ou effacer leur empreinte carbone, à l’instar de ce que font certaines compagnies aériennes ?

Cela pourrait se faire par l’organisateur de croisières, par le port ou par le capitaine. Rêvons un peu. Promotion Saguenay pourrait proposer aux croisiéristes qui s’arrêtent à La Baie de compenser leurs émissions avec Carbone boréal (http ://carboneboreal.uqac.ca), leur permettant ainsi de réduire leur empreinte écologique tout en contribuant à la recherche. Ce serait une façon intelligente de mettre en valeur notre région, notre université et de contribuer au développement durable.

Une conférence «indicateur»

L’inquiétude était patente dans les travaux préparatoires. Il s’agit en effet de la première conférence de l’ère Trump. Le président américain, élu en novembre dernier ayant annoncé en juin 2017 que les États-Unis se retiraient de l’Accord de Paris, le résultat des négociations de cette nouvelle conférence sera un test pour le reste des pays signataires. L’enjeu est majeur, car si les États-Unis réussissent à faire déraper le processus, les chances de parvenir à un résultat concret dans un avenir prévisible seront amenuisées d’autant.

Rappelons que l’Accord de Paris, adopté en décembre 2015 est entré en vigueur en novembre dernier, après que 195 pays l’aient ratifié. La CdP 23 a pour objectif d’adopter une première série de mesures faciles pour contribuer à limiter l’augmentation de la température moyenne planétaire à moins de 2 degrés, de préférence à 1,5 degré, ce qui est considéré par plusieurs comme impossible. Pour parvenir à ce résultat, toutes les grandes économies de la planète doivent très rapidement réduire et éliminer avant 2050 l’ensemble des sources d’émissions de gaz à effet de serre dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’agriculture et de la production de matériaux de construction comme le ciment, sans oublier d’arrêter la déforestation. Pas facile… surtout que l’Accord de Paris est basé sur des engagements volontaires qui sont actuellement loin de permettre d’atteindre la cible.

Dans les réunions préparatoires, l’une à Postdam sur les impacts des changements climatiques et l’autre à Berlin sur la géo-ingénierie, les scientifiques ont tenté de faire le point respectivement sur les risques et sur des pistes de solution encore hypothétiques. Leurs messages seront sans doute répercutés à Bonn. En revanche, c’est l’enjeu politique qui fera la différence. Lors du retrait des États-Unis, les autres dirigeants des grandes économies ont réitéré leur volonté de poursuivre dans l’Accord de Paris, mais cela peut être fragile. En effet, selon ce qui se dira dans les coulisses, selon les échanges informels et les atermoiements des uns et des autres, la conférence de Bonn sera un succès si les choses ne dérapent pas. C’est ce qu’on peut espérer de mieux. Si les uns et les autres tentent de tirer leur épingle du jeu en cherchant à diluer leurs promesses ou à retarder les échéanciers, cela annoncera une nouvelle période de tergiversations qui retardera d’autant la possibilité d’atténuer les effets déjà bien mesurables des changements climatiques. En revanche, si les grandes économies que sont l’Europe, la Chine, l’Inde, la Russie, l’Australie, le Brésil et le Canada font un front commun contre les États-Unis, un certain espoir est permis.

Malgré cela, les marges de manœuvre pour stabiliser le climat en dessous de 2 degrés s’amenuisent chaque année. En 2025 il sera bien trop tard pour réussir, peu importe les efforts qui seront consentis. C’est là que les ténors de la géo-ingénierie se font entendre. Ils proposent des solutions encore hypothétiques qui pourraient contribuer à limiter la pénétration du rayonnement solaire dans l’atmosphère. Ces solutions n’ont jamais été expérimentées et leurs effets secondaires sont inconnus, mais elles constituent un faux-fuyant politique bien pratique. La COP 23 sera très intéressante à suivre, car l’avenir de nos petits enfants en dépend !

Claude Villeneuve