Est-ce possible ?

La 24e conférence des Parties Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques se tiendra à Katowice en Pologne début décembre. C’est là que les pays doivent entériner leurs engagements envers l’Accord de Paris qui rentrera en vigueur à la fin de 2020. Les représentants des pays signataires sont sortis cette semaine de la conférence préparatoire un peu perdus. D’abord, le retrait des États-Unis et les mesures prises par l’administration Trump pour affaiblir les pouvoirs de l’Agence de protection de l’environnement affaiblissent l’Accord. Le deuxième plus grand émetteur de la planète continuera vraisemblablement d’alourdir son bilan. Il faudra donc que les autres pays rehaussent leurs cibles de réduction. Sans cela, il n’y a aucune chance de maîtriser le réchauffement du climat d’ici 2100 à moins de 3 ou 4 degrés Celsius. Cela entraînera une augmentation du niveau de la mer qui dépassera 1 mètre et qui se continuera jusqu’à 6 ou 7 mètres dans les trois siècles à venir. Un article paru cette semaine dans Nature prévoit que les réserves d’eau douce qui alimentent Miami seraient contaminées par l’eau salée dans moins de 30 ans. Est-ce possible de l’éviter ?

Pourtant, les négociations piétinent toujours. On attend pour cet automne un rapport spécial du GIEC qui indique qu’on ne pourra pas atteindre la cible de limiter le réchauffement à moins de 1,5 degré sans un déploiement massif et immédiat de mesures de captation du CO2. Cela coûtera très cher. Après l’été dévastateur qui se termine, il est clair que des sommes colossales seront aussi nécessaires pour permettre l’adaptation des populations les plus vulnérables. Est-ce possible de trouver cet argent ?

Pour sa part, l’Institut de recherche sur l’économie contemporaine (www.irec.quebec) a publié une note qui démontre que la cible du gouvernement canadien pour l’Accord de Paris est déjà hors d’atteinte, malgré les propos vertueux de Justin Trudeau. La cible de -37,5 % du Québec est elle aussi hypothétique, tout comme la réduction de -20 % en 2020 sans un achat massif de crédits de carbone en Californie. Est-ce possible qu’on n’en parle pas dans la campagne électorale ?

Enfin, si vous avez mis des photos de votre chat sur Facebook, il y a de grosses chances que cela crée une demande d’électricité dans un « data center » quelque part en Amérique du Nord où on la produit avec des carburants fossiles. La croissance de la demande en électricité du parc informatique et des technologies de la communication (TIC) est telle, qu’un article publié dans Nature le 12 septembre prévoit qu’elle atteindra dans moins de 12 ans l’équivalent de 8 % (dans le meilleur des cas) à 21 % de toute l’électricité produite sur la planète. Actuellement, les « data centers » consomment 200 térawattheures, l’équivalent de toute l’électricité produite au Québec dans une année. Cela correspond au tiers de la consommation des TIC. Si la tendance se maintient, les TIC consommeront 60 fois plus en 2030. À ce moment, ce secteur produira plus de gaz à effet de serre que le transport aérien et maritime combiné. Est-ce possible ?

D’ailleurs, il est prévu que le nombre de passagers transportés en avion va doubler d’ici 2030 pour atteindre 8 milliards de voyageurs en raison principalement de la multiplication des liaisons « low cost ». Est-ce possible que tout cela se produise en même temps ?

Si on se contente de suivre les tendances, si les politiciens n’ont pas le courage d’aborder ces questions maintenant, la crise est inévitable. La croissance économique doit être questionnée à la lumière du développement durable sinon rien de tout cela ne sera possible.

Claude Villeneuve