Évaluation du bilan carbone du boisement en épinettes noires de territoires dénudés québécois

RÉSUMÉ

L’épinette noire (Picea mariana (Mill.) B.S.P.) (Epn) est l’espèce d’arbre dominante de la forêt boréale québécoise et forme de grands massifs de forêt dense au sein du domaine de la pessière à mousses. Un phénomène de régression naturelle lent et progressif de la pessière noire crée une fragmentation de cette immense forêt où sont ainsi parsemés des terrains dénudés et improductifs (Gagnon et Morin 2001) principalement appelés dénudés secs (DS) et brûlis mal régénérés. Près de 1 000 000 ha seraient dénudés au sein de la portion centrale de la pessière à mousses au Québec, dont 140 000 ha étaient accessibles à moins de 5 km du réseau routier existant dans la région 02 en 2002 (Plante 2003). Une première validation expérimentale (Hébert et al. 2006) supporte le potentiel de croissance ligneuse à court terme sur ces territoires, révélant du même coup un potentiel de séquestration accrue du carbone dans le cadre d’une stratégie de mitigation face aux changements climatiques. Les objectifs de cette étude consistaient à établir le potentiel théorique, au meilleur des connaissances actuelles, de la quantité de carbone nette pouvant être séquestrée par le boisement d’un hectare de DS, ainsi qu’à estimer les émissions de gaz à effet de serre (GES) engendrées par les opérations nécessaires à l’établissement d’une plantation. Le bilan net calculé dans cette étude représente la différence entre le scénario de référence, soit un DS atteignant moins de 30 m ha-1 à 120 ans, et le projet de boisement duquel les émissions des opérations ont été soustraites. La plantation d’Epn du projet de boisement atteint 175 m3 ha-1 à 70 ans, en fonction du rendement minimum des plantations d’Epn retrouvé dans les tables de rendement en vigueur au Québec en 2005 (MENF 2003). Le modèle CO2FIX version 3.1 (Schelhaas et al. 2004; Masera et al. 2003) a été utilisé pour modéliser la séquestration biologique du C, alors que l’approche de l’analyse de cycle de vie a été utilisée pour quantifier les émissions de GES. Les estimations obtenues révèlent un bilan net de 771C ha-1 70 ans après le boisement en épinettes noires d’un DS moyen, soit 1.11C ha-1 an-1 en moyenne. Le bilan devient positif 27 années après l’établissement de la plantation. En intégrant les incertitudes reliées au rendement des plantations sur ces territoires et aux perturbations naturelles, cette moyenne oscille entre 0.2 et 1.91C ha-1 an-1. Les émissions moyennes de GES occasionnées par les opérations de boisement d’un ha de DS sont de 1.3 t CO2 eq, soit moins de 0.5% du bilan C net moyen après 70 ans. En tenant compte de toutes les incertitudes soulevées dans cette étude, ces émissions peuvent représenter entre 0.1 et 4% du bilan C total du projet de boisement. Les émissions de GES des opérations n’influencent donc pas de manière significative les estimations de séquestration nette de cette étude. Cependant, beaucoup de recherches seront encore nécessaires pour diminuer la variabilité des résultats liée au C séquestré dans le projet de boisement. Effectivement, comme les plantations actuellement implantées en milieu DS sont relativement jeunes, plusieurs années seront encore nécessaires avant de pouvoir valider leur rendement moyen. De même, la possibilité que des catastrophes naturelles viennent minimiser la séquestration devra aussi être analysée plus en profondeur. L’évolution dans le temps d’un DS (scénario de référence) se doit aussi d’être mieux connue, ainsi que la valeur précise des paramètres utilisés dans la modélisation, puisque traditionnellement ces informations ont été laissées de côté lors des inventaires provinciaux. Enfin, des recommandations sont fournies pour diminuer le niveau des incertitudes soulevées et afin de maximiser le potentiel de séquestration du boisement des DS.

http://constellation.uqac.ca/426/1/25017408.pdf

Simon Gaboury, ing. forestier, éco-conseiller, M. sc.

simon.gaboury@riotinto.com