Glace mince !

Les effets les plus remarquables des changements climatiques s’observent dans l’arctique, et plus particulièrement sur l’océan arctique. Au vingtième siècle, ce dernier était couvert par la banquise sur la majeure partie de sa superficie à l’année longue. Entre la fin de septembre et le mois de juin, l’extension des glaces est positive, alors qu’en été, le couvert de glace disparaît, permettant la navigation au pourtour de la banquise. C’est à peu près la période où les villages du Nord du Canada peuvent être approvisionnés par la voie maritime. Naturellement, d’une année à l’autre la température moyenne peut varier, tout comme la durée de la période d’eau libre. Les glaces qui restent en été sont plus épaisses à chaque année. Il y a donc des glaces de plusieurs âges dont l’épaisseur reflète la rigueur du climat. Depuis les années 1990, la glace de plus de cinq ans a rapidement disparu si bien qu’aujourd’hui les glaces les plus épaisses ont deux ou trois ans. Naturellement, la glace moins épaisse fond plus rapidement l’été venu. Cela explique que la surface couverte par la banquise en septembre a connu une baisse de 13% par décennie depuis 1980.

 En 2016, l’arctique a commencé à montrer d’étranges symptômes. Au lieu de s’agrandir à la fin de septembre, la banquise a continué de rétrécir. Au pôle nord, la température s’est maintenue jusqu’à 20 degrés plus chaude qu’à la normale, si bien qu’on retrouvait de vastes surfaces à l’eau libre jusqu’en janvier dernier. Si l’automne dernier a été bizarre, ce sont les étés qui inquiètent les scientifiques car aussi tôt qu’en 2030, la banquise pourrait avoir pratiquement disparu de la surface de l’océan arctique. En effet, l’océan est un réservoir d’énergie qui accumule la chaleur lorsqu’il est libre de glace. Une glace plus mince fond plus rapidement, libérant une surface capable d’emmagasiner plus de chaleur plus longtemps. Cela aura des conséquences multiples pour les écosystèmes, les populations locales et même pour nous à quelques milliers de kilomètres plus au sud.

Pour des espèces qui dépendent du couvert de glace pour s’alimenter comme l’ours polaire, pour mettre bas comme les phoques ou pour se reposer comme les morses, la disparition de la banquise pose un énorme problème. En effet, ces animaux vont se retrouver concentrés sur les plages ou sur les îlots rocheux. Or, il y a beaucoup moins d’espace, ce qui risque de créer une compétition accrue et une influence directe sur la capacité de l’habitat. Moins d’habitat signifie moins de faune, c’est mathématique.

L’effet refroidissant de la banquise maintient aussi la température plus basse sur le continent. Tous ceux qui vivent sur le pourtour du lac Saint-Jean connaissent bien le phénomène. L’absence de glace sur la mer va accélérer la fonte du pergélisol et, comme on le voit plus au sud, l’absence de glace va augmenter l’effet de l’érosion sur les côtes. Pour les communautés inuit, les impacts seront énormes. Il faudra déménager certains villages et leur mode de vie traditionnel sera d’autant plus perturbé.

 Plus généralement, le stock de glace sur l’océan arctique influence le trajet du courant jet qui détermine en bonne partie la variabilité climatique à nos latitudes. Les anomalies climatiques, sécheresses, précipitations diluviennes, canicules, que nous observons en Amérique du nord, en Europe et en Russie vont donc continuer de s’amplifier.

Les modèles informatiques qui permettent d’anticiper le climat à venir ont tendance à sous estimer systématiquement la vitesse à laquelle évolue la banquise arctique. Les mesures comprises dans l’Accord de Paris, si elles sont finalement appliquées rigoureusement ne pourront probablement rien pour remédier à cet amincissement de la banquise. Les prochaines décennies nous réservent des surprises !

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