« Go West young tree »

Au début du dix-neuvième siècle, on disait aux jeunes hommes qui voulaient sortir de la misère d’aller chercher fortune vers l’Ouest.  Mais pour les arbres, le salut au 21ème siècle ira-t-il dans la même direction ? C’est ce que nous laisse à penser un article paru le 17 mai dans la revue Science advances.

 Pendant longtemps, on a cru que les arbres allaient progresser vers le nord et en altitude  en réponse au réchauffement du climat. L’étude, menée par des biologistes de l’Université Purdue sur 86 espèces d’arbres de l’est des Etats-Unis montre que leur progression dans les trente dernières années s’est plus faite vers l’ouest que vers le nord. En effet, alors qu’aucune des espèces ne montrait de progression vers l’est ou vers le sud, 34% montraient une progression vers le nord à une vitesse de 11 kilomètres par décade, alors que 47% montrent une progression vers l’ouest à un rythme de 15,7 kilomètres par décade, si on considère la période de trente ans. C’est considérable, sachant que lors de la déglaciation la vitesse la plus importante de progression des arbres vers le nord était de 20 kilomètres par siècle ! Mais pourquoi vers l’ouest plus que vers le Nord ?

 Les chercheurs ont identifié que le facteur principal pouvant expliquer cette migration n’était pas l’augmentation de la température, mais bien l’augmentation des précipitations qui est provoquée par l’évolution du climat. Partout où les précipitations augmentent, les arbres progressent. La majorité des arbres qui ont progressé vers l’Ouest sont des feuillus, alors que les arbres qui ont progressé vers le nord sont surtout des conifères. C’est une observation très intéressante qui ne contredit en rien le potentiel de colonisation des territoires nordiques déboisés dans un contexte de réchauffement du climat. Même si l’augmentation des précipitations est relativement faible à l’ouest, ce sont des espèces résistantes à la sécheresse et à croissance rapide qui profitent le plus de cette augmentation.

 La tendance est claire, mais plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer cette extension des espèces forestières. Dans un premier temps, la forêt de l’est des Etats-Unis est un système complexe fortement influencé par les activités humaines. Pour une bonne part, elle est issue de la reconquête de terrains complètement déboisés il y a plus de cent ans.  La composition des espèces est probablement loin de ce qu’elle était à l’origine. C’est sans compter les routes, l’urbanisation, la déprise agricole ou d’autres activités qui peuvent influencer la vitesse de progression des arbres. On est donc loin des conditions qui prévalaient lors de la déglaciation. Néanmoins, on peut tirer de cette étude des questions de recherche intéressantes qui pourraient alimenter la réflexion sur ce qui se passe pour nos propres forêts.

D’abord, la vitesse à laquelle se produit le phénomène est impressionnante. Est-ce que nous observons quelque chose de comparable au nord de notre forêt commerciale où les perturbations humaines autres que le réchauffement du climat sont négligeables ?  On peut aussi s’interroger sur la façon dont les différentes espèces d’arbres réagiront au changement dans les précipitations au Québec où on prévoit une augmentation annuelle et un déplacement saisonnier s’accentuant avec le réchauffement. Enfin, les calculs de possibilité forestière qui déterminent l’allocation des volumes de bois disponibles pour les industriels devraient-ils être révisés en fonction du climat à venir ?

Les écosystèmes réagissent aux changements climatiques, il n’est plus possible d’en douter. Il faudra plus de recherches pour mieux comprendre ce qui nous attend et il y a vraisemblablement bien des surprises à la clé. Plus que jamais, la science doit précéder la prise de décision pour permettre l’adaptation.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil

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