La température, un facteur déterminant

« Heureusement qu’il y a l’hiver, pour congeler les bibittes ! » chantait jadis Dominique Michel. Cette formulation populaire vient de trouver un fondement plus sérieux dans une étude (http://www.nature.com/articles/ncomms13736) parue fin décembre dans la revue Nature. La question de l’augmentation de la biodiversité (nombre d’espèces retrouvées par unité de surface) à mesure qu’on s’éloigne des pôles vers l’équateur fascine les biologistes depuis Charles Darwin, mais la réponse, malgré plus d’un siècle de recherche n’était pas si évidente. Il faut dire que le même phénomène s’observe à mesure que l’on s’éloigne du niveau de la mer en altitude.

L’étude, menée par l’équipe d’Ingolf Steffan-Dewenter, écologue à l’université de Würzburg (Allemagne) conclut que parmi tous les facteurs écologiques, c’est la température qui a l’effet le plus déterminant pour expliquer le phénomène. Cela peut sembler tomber sous le sens, mais ce n’est pas si évident à prouver.  L’étude, effectuée en entre 871 et 4650 mètres d’altitude, sur les flancs du mont Kilimandjaro en Tanzanie est la première qui intègre autant d’espèces :  8 groupes de végétaux et 17 d’animaux, des fourmis aux chauves-souris en passant par les escargots, les abeilles, les araignées et les oiseaux. À partir des observations de terrain, elle a permis de développer une modélisation mathématique qui s’applique aussi bien en altitude qu’en latitude. Comment est-on arrivés à cette conclusion?

D’abord, il fallait distinguer entre deux hypothèses. L’effet de la température en était une. L’hypothèse concurrente préconisait que la productivité végétale  (la quantité de biomasse végétale produite par hectare) était le facteur déterminant. Mais, la productivité végétale est elle-même influencée par la température. Les précipitations et la disponibilité des éléments nutritifs sont aussi en jeu pour expliquer la productivité végétale. La température est donc une condition sine qua non pour la biodiversité et le modèle nous permet de prévoir le phénomène. On pourrait s’arrêter là. Mais une autre étude publiée dans la revue Science le 29 septembre (http://science.sciencemag.org/content/353/6307/1532) par une équipe danoise montre que la température est aussi étroitement corrélée avec la variabilité génétique à l’intérieur d’une même espèce. Autrement dit, plus il fait chaud, plus on a d’espèces différentes présentes sur un territoire donné et plus les individus qui composent ces espèces montrent une variété de différence entre eux. Une plus grande variabilité génétique au sein d’une même espèce est un facteur de résilience et d’adaptabilité.

Comment cela nous affecte-il dans un pays nordique, où les températures moyennes annuelles dépassent à peine le point de congélation ? Ces deux études nous permettent de postuler que nos espèces sont non seulement moins nombreuses, mais aussi moins diversifiées génétiquement. Cela signifie qu’elles sont plus fragiles à des modifications de la température. Or, nous vivons un réchauffement du climat qui se traduira par des moyennes de température plus élevées affectant les espèces les mieux adaptées au froid et favorisant les espèces invasives de toutes sortes qui viennent du sud. Cela permet aussi de poser des hypothèses sur les importantes fluctuations que connaissent périodiquement des populations animales dans la toundra et la forêt boréale. Comment réagirons nous si le climat continue de se réchauffer ? Personne n’a de réponse aujourd’hui.

La recherche n’a pas réponse à toutes nos questions, loin s’en faut. En revanche, chaque progrès dans l’avancement des connaissances permet de mieux comprendre notre monde et d’en anticiper l’évolution, ce qui justifie de nouvelles études. Lorsque nos gouvernements coupent dans les budgets destinés à la recherche, ils affaiblissent notre capacité de trouver des réponses adéquates.  Cet aveuglement volontaire pourrait coûter gros.

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