Le réveil de l’obscurantisme ?

2016 a été, sans surprise, l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis qu’on mesure cette donnée à l’échelle du globe. C’est la troisième année la plus chaude d’affilée, la dix-septième en dix-huit ans. Pour les scientifiques qui étudient le sujet, cela n’est pas étonnant.  Au même moment, par un décret présidentiel, Donald Trump, nouveau président des Etats-Unis, exige le retrait de toute référence au phénomène des changements climatiques sur le site internet de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Le nouveau responsable, Scott Pruitt, un climato-sceptique avéré, vient d’être confirmé en poste par le Congrès. Du même coup, le président interdit aux scientifiques à l’emploi du gouvernement américain de répondre aux questions des journalistes ou du public et lance une chasse aux sorcières contre les gens qui ont été impliqués dans la négociation de l’Accord de Paris.

 Il ne faut pas être grand devin pour prédire que les coupures budgétaires pour la recherche ne vont pas tarder. Quatre années de vaches maigres signifient probablement un retard d’au moins dix ans par la suite pour les équipes de chercheurs. En effet, dans un monde de tracasseries administratives, de pénurie de moyens et d’inhibition de l’action, beaucoup de scientifiques seniors prendront leur retraite, certains iront se joindre à des équipes étrangères, il y aura un déficit d’étudiants aux cycles supérieurs et d’emplois en recherche pour les diplômés. Museler les scientifiques équivaut à plonger les citoyens dans l’obscurité. Même si ces efforts pour nier l’évidence sont dommageables, il est puéril de croire que les « faits alternatifs » qui soutiennent les propos climat-sceptiques vont s’imposer. En science, la vérité doit être démontrée, pas révélée.

 « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées. Et cela fait venir de coupables pensées ». Cette tirade de Molière dans « Le Tartuffe » date de 350 ans et dénonce l’hypocrisie. Ce que nous proposent les Républicains de Donald Trump s’inscrit en plein dans cet esprit. J’en prends à témoin un autre décret du président la semaine dernière rétablissant l’interdiction d’accorder du financement aux organisations d’aide internationale qui font la promotion du contrôle des naissances et de l’avortement. Ce diktat résulte d’une réclamation maintes fois répétée de la droite religieuse américaine qui constitue la base militante des Républicains. Encore une fois, comme la négation des changements climatiques, on refuse de voir les faits, pourtant clairement établis par la science associant la maîtrise de la fertilité des femmes et la sortie du sous-développement. C’est une question complexe, mais il y a un lien direct entre l’éducation des femmes, la santé et le développement économique et social et cela passe par le contrôle de leur corps.

 Et les deux sujets sont plus proches qu’on pourrait croire. Les changements climatiques sont directement liés à l’utilisation des carburants fossiles, à l’agriculture, à la déforestation et aux émissions de gaz à effet de serre qui en résultent. Or, plus il y a de monde sur la planète, plus il faudra d’énergie, de produits agricoles et moins il y aura de forêts. Par ailleurs, les populations les plus vulnérables aux évènements catastrophiques qui résultent des changements climatiques sont des populations pauvres dont la démographie est galopante et qui dépendent étroitement de l’agriculture de subsistance.  Les femmes sont d’autant plus vulnérables dans ces populations qu’elles ne sont considérées qu’en fonction de leur fertilité.

 Doit-on désespérer devant les orientations du nouveau président américain ? Les quatre prochaines années nous réservent sans doute bien des surprises, et pas des meilleures, mais les Etats-Unis ne sont plus la puissance mondiale prépondérante qu’ils ont été. N’en déplaise au Bible belt, les faits étayés par la science constituent un rempart contre l’obscurantisme.

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