Les étés meurtriers

Une canicule mortelle se définit comme une période de chaleur durant laquelle les autorités sanitaires enregistrent une surmortalité, c’est-à-dire un nombre de décès significativement plus élevé que la moyenne. En effet, on peut réellement « mourir de chaud ». Les personnes les plus susceptibles d’être victimes de ce genre de condition climatique sont naturellement celles dont la santé est fragilisée par la vieillesse ou par des maladies chroniques. Mais les coups de chaleur affectent aussi des travailleurs, des enfants et la chaleur accentue les effets toxiques des polluants atmosphériques. Les plus démunis ne disposent pas toujours de moyens pour se protéger de la chaleur ou pour s’hydrater correctement. Ils occupent aussi souvent des emplois pénibles ou exposés.

Dans les pays du Sud, même si la chaleur est souvent accablante, les populations traditionnellement rurales ont appris à adapter leurs comportements pour éviter ses effets pernicieux. Mais avec l’urbanisation débridée qui accompagne leur expansion démographique, les exigences du travail industriel, la précarité des logements et de la fourniture électrique, les savoirs traditionnels ne servent plus à grand chose. D’ailleurs, on enregistre de plus en plus de canicules mortelles dans toutes les grandes villes des pays en développement. C’est ce que nous apprend un article paru dans Nature Climate Change (https://www.nature.com/nclimate/journal/vaop/ncurrent/full/nclimate3322.html) qui a recensé 1 949 études liant chaleur excessive et mortalité, portant sur 164 villes de 36 pays, pour déterminer les conditions climatiques (température, humidité) au-delà de laquelle survient une surmortalité. Environ 15% de la surface terrestre mondiale, regroupant un tiers de la population, connaît déjà au moins 20 jours par an au-dessus de ces conditions. Parmi les zones les plus exposées, on trouve une partie de l’Afrique subsaharienne, le sud de la péninsule arabique, le nord de l’Inde, l’Asie du sud-est et le nord de l’Australie. Mais les pays du Nord ne sont pas à l’abri comme l’ont démontré les épisodes de canicule mortelle qui ont affecté l’Europe en 2003 avec 70 000 victimes et la Russie en 2010 où on a enregistré une surmortalité de 10 200 personnes rien qu’à Moscou. À Montréal, l’Institut national de santé publique suit le dossier de près.

Les chercheurs ont projeté l’évolution du climat d’ici la fin du siècle selon les scénarios retenus dans le dernier rapport du GIEC. Avec le plus optimiste, qui suppose que les engagements pris par les pays dans l’Accord de Paris soient multipliés par cinq d’ici la fin du siècle, la température n’augmenterait en moyenne que de 1,7 ˚C à l’horizon 2100. Cela peut sembler modeste, mais 47,6% de la population mondiale serait alors affectée. Certaines zones dans les pays du Sud  seraient confrontées à ce danger toute l’année. Le sud-ouest des Etats-Unis et le sud de l’Europe, dont l’Italie qui dépasserait les 50 jours de canicule mortelle par an, devraient prendre des mesures énergiques pour s’adapter. Le scénario Trump, qui consiste à ne rien faire mettrait en danger 73,9% de la population mondiale, qui connaîtrait plus de 20 jours par an d’une chaleur pouvant entraîner une surmortalité

Bien sûr, une prévision n’est pas une fatalité. Il passera beaucoup d’eau dans nos rivières d’ici 2100, mais les enfants qui naissent aujourd’hui ont, au Québec, une espérance de vie qui leur permettra de vérifier si les experts ont dit vrai. Il faut retenir que les étés meurtriers risquent de se multiplier. Il y a donc un impératif d’adaptation pour agir en amont comme a commencé à le faire la ville de Montréal.

Le territoire québécois est peu susceptible d’être parmi les plus affectés, mais ce n’est pas une raison pour ne pas prendre les mesures pour éviter d’émettre plus de GES. Pensez-y la prochaine fois que vous verrez une auto tourner à vide sur un stationnement, surtout si c’est la vôtre !

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi

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