«Parfum de sécheuse!»

Dans une étude parue dans la revue Science du 15 février dernier, Brian McDonald et ses collègues ont démontré que les COV provenant des pesticides, des peintures, des revêtements, des agents nettoyants et des produits de soin personnel détrônaient dorénavant les émissions provenant de l’essence et du diésel dans les villes.

À Los Angeles, par exemple, ces produits représentent 38 % des COV contre 32 % pour les polluants issus du transport, 15 % des sources industrielles et 14 % des raffineries. Mais encore ?

Les COV sont des produits organiques qui s’évaporent spontanément et qui tendent à former des aérosols, ces minuscules gouttelettes qui restent en suspension dans l’air. Lorsque vous faites le plein, vous reconnaissez l’odeur particulière de l’essence et du diésel par la signature olfactive de leurs COV respectifs. Les COV sont plus ou moins nocifs pour la santé, mais ils sont aussi des précurseurs du smog estival. Ce smog photochimique se traduit par la fabrication d’ozone troposphérique, un polluant très agressif qui cause d’importants problèmes de santé publique, particulièrement pour les gens qui souffrent de maladies cardio-respiratoires. Depuis les années 1970, les autorités environnementales des pays ont travaillé très fort pour limiter la pollution des automobiles et camions et ainsi réussi à réduire les émissions de COV de la filière transport. Mais pendant ce temps, les produits de consommation courante émettant des COV se sont multipliés sans entrave, ce qui explique la situation que les auteurs ont décrite. Incroyable ? Une analyse de ces divers COV montre qu’en termes de potentiel de formation d’aérosols précurseurs du smog, la part de ceux issus des produits de consommation s’élèverait à 42 %, contre 36 % pour les carburants.

Les odeurs synthétiques qui génèrent des COV ont aussi un effet sur la santé lorsqu’ils sont concentrés dans l’air intérieur. Les gens qui souffrent d’asthme ou d’autres maladies respiratoires peuvent en être affectés sérieusement. Mais on nous a fait croire que ces odeurs représentaient la propreté et la fraîcheur alors qu’ils ne servent qu’à masquer d’autres odeurs. Comme ces produits n’apportent rien, ni à la propreté, ni à l’hygiène, cela ne serait pas un gros sacrifice de les éviter.

Les auteurs de l’étude signalent que les gouvernements devraient règlementer ces substances, mais l’effort politique d’imposer à l’industrie des normes à cet effet serait semble-t-il rédhibitoire.

Les émissions de COV des produits à usage domestique illustrent bien l’effet du nombre sur la pollution. Une feuille d’antistatique parfumé pour chaque séchage de linge ne semble peut-être pas une grande charge polluante, mais quand chacun l’utilise, cela devient un problème environnemental.

Il y a deux façons de le régler à la source. Les consommateurs peuvent refuser d’en acheter ou n’acheter que le produit équivalent sans parfum chimique. Si l’industrie n’en vend pas, elle tentera dans un premier temps de faire de la publicité pour en mousser les prétendues vertus, ensuite, si les consommateurs persistent à ne pas les acheter, elle les retirera de la fabrication. Dans le deuxième cas, il faut que les gouvernements et les villes en règlementent ou en interdisent l’usage. C’est un processus beaucoup plus long, lourd et complexe. Il a fallu plus de 40 ans pour diminuer les COV de l’essence par la règlementation. Ça fait réfléchir.

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