Un combat inégal

Peu après son entrée en fonction l’an dernier, le président Trump a nommé à la tête de l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (EPA), un avocat, Scott Pruitt, dont les opinions climato-sceptiques et les clients dans l’industrie des carburants fossiles étaient de notoriété publique. À l’instar de son patron, M. Pruitt n’a pas tardé à affaiblir les exigences règlementaires visant à limiter la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à prôner que les scientifiques ne s’entendent pas sur la responsabilité des humains dans le réchauffement du climat observé depuis le début de l’ère industrielle. Jusque-là, on est dans la politique et la communication d’opinions. Mais M. Pruitt a évoqué des « preuves scientifiques secrètes » à l’effet que le réchauffement était dû à des causes naturelles. Or, il n’existe pas de telle chose qu’une « science secrète », sauf peut-être dans le domaine de la Défense nationale. Et même là, il s’agit rarement de science fondamentale. Par exemple, dans le développement de la bombe atomique, il y a eu une période dans laquelle les architectes du projet Manhattan n’ont pas eu le droit de publier leurs résultats, mais les travaux fondamentaux sur le noyau atomique qui ont servi à Enrico Fermi et à son équipe avaient été publiés auparavant dans des revues spécialisées.

Un groupe nommé Public Employees for Environmental Responsibility a fait une demande d’accès à l’information pour que le directeur de l’EPA rende publiques les études auxquelles il réfère pour soutenir ses affirmations qui contredisent le consensus scientifique à l’effet que l’activité humaine est la principale explication au réchauffement climatique observé, basé sur des études publiées. Vendredi dernier, le juge Beryl Howell de la Cour fédérale du District de Columbia a ordonné à l’EPA de rendre publiques ces soi-disant études scientifiques. Si la décision n’est pas portée en appel, cela devrait être fait dans un délai maximum d’un an.

Depuis 30 ans que je m’intéresse aux changements climatiques, j’ai lu des centaines d’articles publiés dans toutes sortes de revues arbitrées par les pairs en plus de cinq séries de rapports du GIEC, sans compter les rapports divers publiés par toutes sortes d’académies scientifiques, la Banque mondiale, la FAO et bien d’autres. Bref des dizaines de milliers de pages signées par des milliers d’auteurs provenant de tous les horizons. Si tout va bien, je pourrai enfin lire la soi-disant science secrète sur laquelle s’appuient les climato-sceptiques et juger de sa qualité ! Nous pourrons en discuter entre experts, en critiquer les méthodes et les conclusions, comme nous offrons à la critique nos méthodes, résultats et conclusions depuis toujours.

Malheureusement, je n’y crois pas trop. Il n’y a pas de science secrète. Les appels en justice sont chose commune et Pruitt s’y connaît certainement mieux en la matière qu’en science du climat. Le combat est inégal.