Un grand scientifique nous a quittés

Mardi dernier s’est éteint  le Dr. Fred Roots, un scientifique canadien mondialement connu. Âgé de 93 ans, il était l’une des personnes les plus fascinantes que j’aie côtoyées. Né à Banff et orphelin de père très jeune, il a complété ses études comme  ingénieur géologue à l’Université de Colombie Britannique et obtenu son doctorat en géologie de la prestigieuse université Princeton aux Etats-Unis. En 1949, il a rejoint la Scott Polar Research Institute de Grande-Bretagne comme géologue en chef d’une expédition internationale de trois ans en Antarctique. C’est à cette occasion qu’on a trouvé les premières preuves des changements climatiques. Sa carrière a été extraordinaire. Il est considéré comme un des grands explorateurs du vingtième siècle, ayant participé à des dizaines d’expéditions scientifiques dans l’Arctique, l’Antarctique, l’Himalaya et les Rocheuses en tant que géologue principal. Il détient également le record du plus long voyage autonome (189 jours) en traîneau à chiens.

Il a aidé à rédiger le Traité sur l’Antarctique, qui préserve le continent entier comme territoire apatride dédié à la recherche scientifique. Une chaine de montagnes a d’ailleurs été nommée en son honneur “Antarctica Roots Range” et en mars dernier, il a reçu la plus prestigieuse récompense pour un explorateur : la Explorer Medal du Explorer’s Club (https://explorers.org/news/news_detail/the_2016_explorers_club_annual_awardees) au palmarès de laquelle il figure avec des légendes comme Robert Peary (1914), Roald Amundsen (1927), Edmund Hillary (1986), Jane Goodall (1993).  En 1968, il a participé à la création du Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO. Il a également été le fondateur du Comité MAB canadien. Tout cela peut apparaitre bien loin de nous. Pourtant Fred Roots a considérablement influencé mon histoire personnelle et contribué à laisser des traces durables au Québec.

J’ai rencontré Fred à Hamilton en Ontario en 1984, à l’occasion d’une conférence du MAB Canada qu’il présidait. À l’époque, comme aujourd’hui, je me passionnais pour l’éducation relative à l’environnement et cette conférence avait été l’occasion de créer un réseau MAB Canada pour l’éducation relative à l’environnement, le MAB-Net, auquel j’ai participé avant de siéger au Programme canadien des changements à l’échelle du globe, puis à la Commission des sciences de la Commission canadienne pour l’UNESCO que j’ai  présidé de 2000 à 2004. Fred Roots a écrit la préface de la première édition de « Vivre les changements climatiques » parue en 2001. Il a aussi soutenu la création du programme de DÉSS en Éco-conseil que nous avons démarré à l’UQAC la même année, puis la création de la Chaire en éco-conseil en 2003. Il a aussi soutenu un de nos étudiants Jean-Philippe Lafontaine-Messier, pour la création de la réserve de la biosphère Manicouagan-Uapistat située au nord de Baie Comeau. Conseiller scientifique émérite à Environnement Canada, Fred Roots était un homme d’action, un esprit universel et un mentor qui nous a guidés avec son enthousiasme et son énergie communicative. Son action auprès du groupe « Students on Ice » auquel il a participé aux expéditions polaires jusqu’à l’hiver dernier en témoignent (https://www.youtube.com/watch?v=_QCv1C6q1RU&feature=youtu.be).

La science se construit à travers la contribution de multiples générations de personnes dédiées à résoudre les mystères de la nature. Nul ne peut s’attribuer le mérite de son évolution, nous avons besoin de géants comme Fred Roots pour voir plus loin. Mais la science ne se fait pas dans un monde débranché de la réalité. Il nous a montré que le progrès des connaissances devait être partagé et mis au service de la communauté. Il demeurera une source d’inspiration pour ceux et celles qui veulent aller au-delà des idées reçues.

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