Une bouteille à la mer

La semaine dernière, les médias régionaux relataient qu’un message envoyé il y a près de 20 ans par une petite fille de Saguenay a été trouvé sur la berge à l’Île verte dans le bas Saint-Laurent. Ce message était contenu dans une bouteille de plastique.

 J’avais dans mes plans de faire une chronique sur les « continents » de plastique qu’on peut observer dans les océans. L’occasion était trop belle. On estime que l’humanité envoie à chaque jour dans les océans l’équivalent de 800 millions de bouteilles d’eau. Bien sûr, il ne s’agit pas uniquement de bouteilles d’eau, mais de toutes sortes de résidus plastiques comme des sacs emportés par le vent, des déchets d’emballage confiés aux égouts, des flotteurs de polystyrène provenant des filets de pêche ou des cages à homard, des filets à la dérive et, bien sûr, des bouteilles de plastique ayant contenu des boissons gazeuses. Ces déchets sauvages ont une longue durée de vie comme en témoigne la bouteille de l’Île Verte. Ils ne flottent pas toujours sur l’eau, puisqu’à mesure qu’ils se dégradent ils se retrouvent entre deux eaux ou échouent sur les côtes. C’est d’ailleurs en nettoyant la plage de ces déchets à la dérive que les habitants de l’Île verte ont fait la découverte qui a justifié les manchettes.

 Au delà de la nuisance visuelle qu’ils représentent sur les côtes, ces déchets plastiques sont dangereux pour la faune marine et les oiseaux. On ne compte plus les tortues marines dont le tube digestif est encombré de sacs plastiques qu’elles ont confondues avec les méduses. Les cétacés en avalent aussi, ce qui nuit à leur digestion. De même, dans les mers australes, on voit des colonies d’albatros péricliter car les adultes attrapent des déchets plastiques en pensant qu’il s’agit de poissons et tentent d’en nourrir leurs petits. La littérature scientifique relève 690 espèces marines qui sont affectées par cette pollution. De surcroît, les petites particules de plastique à la dérive favorisent la croissance de certains microorganismes pathogènes et peut favoriser la dissémination d’espèces invasives.

Un rapport de la Fondation Ellen MacArthur présenté au Forum économique de Davos en 2016 (https://www.ellenmacarthurfoundation.org/news/new-plastics-economy-report-offers-blueprint-to-design-a-circular-future-for-plastics) estime que la production de plastique dans le monde va être multiplié par quatre d’ici 2050. Il y aurait à ce moment plus de plastique que de poissons dans les océans. Bref, il faut faire quelque chose…

D’abord, il faut mieux organiser la collecte et le recyclage du plastique. Mélangées, les diverses catégories de plastique n’ont que peu de valeur et sont difficiles à recycler. Il faut aussi éviter de mettre des matières plastiques dans les toilettes et ramasser les déchets plastiques qui se retrouvent sur les plages ou dans les fossés et les terrains vagues car ils finiront toujours par se retrouver dans un cours d’eau. Enfin, et c’est le plus important, il faut réduire à la source l’utilisation de plastique. C’est tout à fait faisable. Pensez-y, il y a dix ans on faisait la promotion des sacs d’épicerie durables. Aujourd’hui, cette bonne habitude a évité la production de milliards de sacs de plastique. Certaines villes en sont même à l’interdiction des bouteilles d’eau et des sacs de plastique. Quant aux boissons gazeuses, la consigne devrait être multipliée par quatre ou cinq pour s’assurer qu’on rapporte les bouteilles.

La bouteille qui portait le message avait été jetée à l’eau dans le cadre d’un projet scolaire. On peut faire mieux. Par exemple, ma petite fille Adèle qui termine son primaire, a fait l’an dernier l’expérience du « journal voyageur », un carnet qu’on demande à des personnes de remplir un peu partout dans le monde et qui revient ensuite à l’expéditeur. C’est beaucoup plus certain et moins polluant que d’envoyer une bouteille à la mer en espérant une réponse.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi