Une pilule, une petite granule ?

La chanson du groupe « Mes aïeux » continue avec la litanie des remèdes pour se « remettre sur le piton ». Depuis toujours, la pharmacopée permet aux humains de soigner  diverses infections qui peuvent les affecter ou tout au moins d’en atténuer les symptômes. Parmi les agents infectieux, les virus sont intraitables sauf par des vaccins ou de rares agents antiviraux.  En réalité, seul le système immunitaire peut lutter contre les virus. Les vaccins le préparent à les reconnaître pour les maîtriser, les antiviraux bloquent simplement leur propagation.

Mais qu’est-ce qui caractérise un virus ? Microscopiques parasites composés d’une enveloppe protéique et d’un brin d’acide nucléique, ils sont souvent associés à une espèce d’animal, de plante, de microorganisme ou de bactérie. En dehors de son hôte, cette curiosité du monde vivant n’a pas de métabolisme, c’est-à dire que le virus ne consomme pas d’énergie et n’a donc pas à se nourrir. Cela explique que des virus puissent se conserver indéfiniment dans une éprouvette ou dans la glace. Lorsqu’il réussit à infecter son hôte, le virus s’attache à la surface de certaines cellules dans lesquelles il injecte son ADN, sur lequel se trouve son bagage génétique. L’ADN viral s’insère dans celui de son hôte pour en prendre le contrôle et se reproduire. Dès lors, des millions de copies du virus seront produites et la cellule finira par éclater, répandant les nouveaux virus dans l’organisme. Comme la surface du virus est caractéristique, lorsque le système immunitaire apprend à reconnaître sa signature, il peut le détruire avant qu’il ne fasse ses ravages. Il y a de nombreuses déclinaisons à ce cycle, des virus comme celui de la grippe par exemple, peuvent passer d’une espèce à l’autre ; ils peuvent aussi subir des mutations qui changent les propriétés de leur surface et le système immunitaire est ainsi déjoué. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un virus est d’autant plus dangereux que le système immunitaire ne l’a jamais rencontré, qu’il se transmet facilement et qu’il est compatible avec les cellules d’un nouvel hôte. Bienvenue à la garderie !

 Les chercheurs trouvent actuellement dans l’Arctique des virus qui sont endormis dans le pergélisol depuis des dizaines de milliers d’années. Ça a été le cas récemment avec un virus géant dont on évalue l’âge à 30 000 ans. Ce virus semble infecter spécifiquement des amibes, ce qui ne pose pas d’inquiétude à prime abord. En revanche, avec le réchauffement du climat dans l’Arctique, on craint la résurgence de virus qui auraient pu infecter certains de nos ancêtres comme l’homme de Neandertal ou encore de virus inconnus qui pourraient subir des mutations et infecter les humains modernes, causant une pandémie dévastatrice.

 Lorsque les scientifiques ont voulu connaître la signature génétique du virus de la grippe espagnole, qui a fait autant de victimes entre 1918 et 1920 que la première guerre mondiale, des chercheurs américains sont allés en Alaska exhumer des tissus gelés d’une victime enterrée dans le pergélisol. Naturellement, cela s’est fait dans des conditions de sécurité maximales pour éviter de répandre ce virus mortel. Ce ne sont pas les mêmes conditions qui prévalent pour des travaux de forage par exemple.

On pourrait ainsi remettre en circulation des virus inconnus. Plus grave encore, des virus libérés du pergélisol par le dégel pourraient infecter des oiseaux migrateurs qui se nourrissent dans les étangs de la toundra. Les canards et les oies sont des vecteurs de virus transmissibles à l’homme ou à des animaux domestiques comme les poulets ou les porcs. Ces derniers sont des hôtes intermédiaires de la grippe par exemple. La menace que représentent ces virus est encore inconnue, mais il s’agit sans doute d’un des enjeux sanitaires les plus préoccupants du réchauffement climatique.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil

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