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La consigne est plus efficace

Il semble que la consigne soit une partie de la solution. Une étude scientifique parue dans Marine Policy vient de démontrer de façon très élégante que la consigne des contenants de plastique pourrait réduire de 40 % la quantité de ces déchets sauvages. Comment les scientifiques ont-ils pu en arriver à une telle conclusion ?

L’étude s’est faite en recensant les bouteilles de plastique sur les côtes de l’Australie et des États-Unis. On a ensuite comparé le nombre de bouteilles par unité de surface entre les états des deux pays qui appliquent une consigne et ceux qui font simplement inciter leurs citoyens à les mettre au recyclage de façon volontaire. Les résultats sont étonnamment similaires entre les deux pays. Il y a 40 % moins de contenants abandonnés dans la nature qui se retrouvent sur les plages et les rochers dans les états qui imposent une consigne, que dans ceux qui ne le font pas. Mais n’y a-t-il pas d’autres facteurs qui pourraient expliquer cette différence ?

Pour s’assurer que c’était bien la consigne qui faisait la différence, les chercheurs ont été un peu plus loin. Ils ont regardé par exemple la richesse des habitants de chaque état examiné et ont trouvé une légère différence entre les états les plus riches dont les citoyens semblent jeter un peu moins de bouteilles dans la nature, mais la différence est minime. Il fallait creuser encore un peu. C’est là que la recherche montre toute son élégance.

Les chercheurs ont recensé séparément les bouteilles et les bouchons. On peut supposer que si la bouteille est consignée, les bouchons ne le sont pas. Les gens se voient donc rembourser la consigne, qu’ils retournent la bouteille avec ou sans bouchon. En supposant que les gens sont réellement influencés par la consigne et non pas par leur conscience environnementale, on peut poser l’hypothèse que plus de bouchons que de bouteilles se retrouveraient sur les rives des états qui imposent une consigne.

Et c’est exactement ce qu’ils ont trouvé ! Dans les états où on impose une consigne, il y a 40 % plus de bouchons que de bouteilles dans les déchets de plastique collectés sur les côtes.

C’est la première fois qu’une étude d’envergure montre l’efficacité de la consigne à une aussi grande échelle. Au-delà de la beauté de la méthode et de la clarté des résultats, le message qu’elle nous donne est clair : la consigne peut contribuer à régler le problème du plastique océanique à la source. Bien sûr, il faut plus d’éducation et des campagnes de sensibilisation pour changer les comportements, mais une politique de consigne est à la portée de tous les états. Qu’attend le Québec pour imposer la consigne à toutes les bouteilles de plastique ?

Grande tristesse à Pâques

Les Pascuans ont déboisé complètement cette île et leur civilisation s’est effondrée après moins de 600 ans d’occupation comme l’ont démontré de nombreuses études relatées dans le livre Effondrement  de Jared Diamond paru en 2006. Mais aujourd’hui, l’Île de Pâques est menacée par le réchauffement climatique qui provoque une hausse du niveau de l’océan.

La semaine dernière, le New York Times publiait un reportage très bien fait sur le phénomène de l’érosion lié au rehaussement du niveau de la mer qui menace l’île et ses statues mythiques. Pour cause, les vagues de tempête provoquent l’effondrement des falaises et des zones côtières plus friables où ont été érigées les Moaï. Les Pascuans observent avec tristesse les ossements de leurs ancêtres qui font surface à mesure que les plateformes sont érodées. Plusieurs statues sont ainsi menacées de disparaître dans les deux prochaines décennies, une perte pour le patrimoine culturel de l’humanité. Avec une élévation du niveau de la mer de 1 à 2 mètres, prévue avant la fin du siècle, la situation est alarmante.

L’Île de Pâques fait partie des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1995 et l’essentiel de son économie est aujourd’hui tributaire du tourisme. Le rehaussement du niveau de la mer affectera donc aussi bien le passé de l’île que son avenir. Les Pascuans devront-ils émigrer, chassés par les changements climatiques, même si le relief de l’île culmine à 507 mètres ? En effet, les zones habitables et cultivables y sont très rares et les moyens pour la population de maintenir une économie minimale sont peu diversifiés.

Plusieurs populations du Pacifique sont menacées par le même sort. Les îles Marshall, Vanuatu, Kiratibi et même la méga-cité de Jakarta sont vouées à être inondées ou fortement affectées dans les prochaines décennies. L’enjeu des réfugiés climatiques n’est pas près d’être réglé !

Les changements climatiques posent des problèmes d’équité et de justice. Ce sont surtout les pays industrialisés et maintenant les grands pays émergents qui ont causé l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère par leur consommation de carburants fossiles et par leur agriculture. Les premières victimes de l’augmentation du niveau de l’océan qui résulte du réchauffement du climat sont des gens qui ont très peu contribué à ce problème. Non seulement les engagements des pays signataires de l’Accord de Paris sont-ils très insuffisants pour contenir le problème et stabiliser le climat, mais les questions de l’aide aux pays les plus vulnérables et de l’accueil des réfugiés climatiques piétinent. On peut donc comprendre la tristesse des Pascuans.

Joyeuses Pâques à tous, mais n’oubliez pas de poser un geste pour réduire vos émissions de gaz à effet de serre ou les compenser. Les Pascuans ont coupé leurs arbres. Pourquoi ne pas en planter avec Carbone boréal ? (http ://carboneboreal.uqac.ca)

Un cadre de référence utile

La session où j’intervenais s’intitulait « Environnement et développement durable ; un impact réel sur la paix en Afrique ». Mon sujet portait sur le développement durable, et en particulier le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (PDD H-2030) et comment les axes prioritaires du Rotary International et de sa Fondation cadraient avec les 17 objectifs (ODD) qui le composent. C’était un sujet relativement facile. Les six axes du mouvement interpellent directement les cibles de huit des 17 ODD et il serait facile pour eux d’en rejoindre cinq autres s’ils adoptaient ce cadre de référence pour planifier leurs activités.

Conférences

Il existe plusieurs mouvements qui œuvrent dans la même veine que le Rotary. Certains comme le Kiwanis, les Optimistes, les Lions sont très présents dans nos communautés et y font des projets concrets, contribuant aux mieux-être des jeunes, des personnes handicapées, et bien d’autres. Ces mouvements, réunissant des personnes de bonne volonté intéressées à s’entraider pour construire un monde meilleur font souvent du développement durable sans s’en rendre compte. En reliant leurs actions ou leurs campagnes de financement à des objectifs plus larges qui font le consensus à l’échelle internationale, ils pourraient eux aussi trouver un cadre de référence qui leur permettrait de mieux situer leurs actions dans cette mouvance mondiale.

Se situer dans la mise en œuvre du développement durable ne veut pas dire être militant écologiste. Beaucoup de gens l’ignorent. Il y a même des militants écologistes qui rejettent carrément le développement durable qui se disqualifie à leurs yeux parce qu’il n’est pas assez radical. Il faut dire que le spectre des positions dans ce domaine est large. Le modèle de développement durable de la Chaire en éco-conseil développé à partir des travaux originaux que j’ai initiés avec des collègues de la Région laboratoire du développement durable au tout début des années 1990 et poursuivi avec mes étudiants et de nombreux intervenants de terrain comporte six dimensions. La gouvernance, l’éthique, l’économique, l’écologique et le social s’y retrouvent déclinés en 40 thèmes qui interagissent de façon dynamique. Les outils que nous avons créés en partenariat avec l’Institut de la Francophonie pour le développement durable permettent d’encadrer les politiques, stratégies, plans, programmes et projets pour les bonifier avec l’aide des parties prenantes en respectant les objectifs de chacun. Ces outils sont gratuits et ils sont maintenant utilisés partout dans le monde.

« Tous les humains sont de ma race » disait Gilles Vigneault dans sa chanson Mon pays, c’est l’hiver. Le développement durable vise le bénéfice des humains d’aujourd’hui et de demain, partout sur la planète dans la paix et le respect des équilibres écologiques. Nous n’aurons jamais trop de bonnes volontés pour y arriver !

Individuel ou collectif?

Il suffit de voir combien nos garages et garde-robes sont encombrés pour le constater. Même si on essaie dans un souci de production et de consommation durable d’éviter les impacts environnementaux et de favoriser le recyclage, il n’en demeure pas moins qu’un mode de vie individualiste est impensable pour une population planétaire toujours croissante. Le fait que plus de la moitié de la population mondiale vive aujourd’hui dans les villes et que cette tendance s’accélèrera dans les prochaines décennies offre un certain espoir pour le développement de services en commun. Les villes doivent offrir à leurs citoyens des outils collectifs. La jeune génération semble plus ouverte à cette dynamique.

Le projet Accès libre vise à augmenter la desserte de l’UQAC et des autres institutions situées sur le plateau de Chicoutimi (CEGEP, CIUSSS) en implantant un terminus, des circuits à haute fréquence pour la Zone Talbot, la rue Racine, des stationnements incitatifs ainsi que des dessertes plus rapides et plus efficaces vers les arrondissements de Jonquière et de La Baie, y compris des navettes spéciales les soirs de party. Le terminus offrira aussi des services intermodaux comprenant entre autres des vélos et des autos électriques en location pour satisfaire un ensemble de besoins de mobilité dans la ville. Le projet envisage aussi une tarification très avantageuse pour les étudiants de l’UQAC de 40 $ par trimestre. Il y a toutefois une condition, c’est que le tarif soit universel et prélevé avec les frais d’inscription. En échange, tous les étudiants bénéficieront d’un accès illimité aux services de la STS. Toutes et tous, qu’ils les utilisent ou pas. Le regroupement des associations étudiantes MAGE-UQAC tiendra un référendum à cet effet à la mi-février. Si la majorité des étudiants se prononce en faveur de l’universalité du prélèvement, ce sera chose faite et l’UQAC réduira son tarif de stationnement de 30 $ par an pour les étudiants. Mais la partie n’est pas gagnée. On entend certains dire : « Moi je continuerai à utiliser mon auto et à payer mon stationnement, alors je ne vois pas pourquoi je paierais 10 $ de plus pour un service que je n’utiliserai pas ! » Individuel versus collectif ? Le débat est lancé.

Dans une perspective de développement durable, les bénéfices du transport en commun sont multiples. On note une augmentation de l’activité physique, donc de la santé cardio-vasculaire, une amélioration de la sécurité de la mobilité, une amélioration de l’accessibilité aux services publics et de la fluidité du trafic urbain si le taux de pénétration est suffisant. La disponibilité de services efficaces de transport en commun réduit d’autant la nécessité d’avoir une automobile individuelle. Sans compter la réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants atmosphériques précurseurs du smog par kilomètre-passager lorsque l’occupation des véhicules est suffisante.

La contribution universelle est un peu comme l’assurance maladie. Tout le monde paye sa cotisation même s’il n’a pas de maladie. La participation de tous permet de maximiser les bénéfices collectifs et d’aider ceux qui en ont besoin. C’est le thème majeur du Programme de développement durable à l’Horizon 2030. En ce sens, il sera intéressant de voir le résultat du référendum. Si nous sommes réellement dans une période de transition socioécologique, il sera clairement positif.

https://www.lequotidien.com/chroniques/claude-villeneuve/individuel-ou-collectif-5dfc22a17df67c106e114bc6f7d33694

Protéger la haute mer?

Après plus de 10 ans d’alertes scientifiques, de controverses légales et de débats politiques, le 24 décembre dernier, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la résolution 72/249 qui engageait les États à négocier une convention internationale « contraignante » pour la protection de la haute mer. Cette résolution, appuyée par 130 pays, appelle à la création d’un réseau mondial d’aires marines protégées dans les eaux internationales. Ces zones sont nécessaires pour préserver la biodiversité océanique malmenée par les changements rapides de l’environnement marin auxquels on assiste dans les dernières décennies. Pour n’en nommer que quelques-uns, la pression accrue des pêcheries hauturières sans contrôle, le réchauffement du climat, l’acidification océanique et l’accumulation de déchets plastiques rendent la vie dure aux poissons, aux oiseaux, aux tortues et aux invertébrés qui constituent une part encore méconnue de la biodiversité mondiale.

On ne peut pas dire que la protection du milieu marin soit très efficace. En effet, des tentatives de régulations marines internationales existent, mais elles sont généralement associées à une activité particulière. Il existe une Autorité internationale sur les fonds marins qui limite l’exploitation minière en haute mer, l’Organisation maritime internationale qui impose des règles à la navigation et même certains accords internationaux qui protègent des zones contre la pêche commerciale. Par exemple, quinze pays de l’Union européenne ont adhéré à la convention OSPAR (de Oslo et Paris, les deux premiers signataires) qui protège les eaux de l’Atlantique Nord-Est. Cependant, cette convention ne s’applique qu’aux pays signataires, les Russes peuvent donc s’en donner à cœur joie. Pourtant, les pays se sont engagés à une conservation de 10 % de la surface de haute mer dans les Cibles de la biodiversité de Aichi et dans l’Objectif de développement durable 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La plupart des scientifiques sont d’avis qu’il faudrait plutôt viser 30 %, mais c’est une autre histoire !

Un indicateur de surface, c’est bien, mais il faut savoir ce qu’on protège. En effet, 90 % de la haute mer constitue un presque désert biologique, en raison de sa faible productivité. Une aire marine protégée doit donc avoir certaines caractéristiques pour être efficace. Il faut une bathymétrie favorable à l’habitat des poissons et au brassage des nutriments, indispensable à la productivité végétale. Il faut aussi que les surfaces protégées soient assez grandes et de préférence organisées en réseaux interconnectés. Il faut enfin qu’elles soient respectées, donc surveillées, ce qui devient de plus en plus faisable par les satellites. Mais qui va faire la police ?

Des accords internationaux vertueux, mais inapplicables, basés sur l’action volontaire, on en compte des dizaines. Est-ce qu’on fera mieux pour protéger la haute mer ? C’est à voir.

https://www.lequotidien.com/chroniques/claude-villeneuve/proteger-la-haute-mer-ad0532b3716178c52231064a17db3e04

«Parfum de sécheuse!»

Dans une étude parue dans la revue Science du 15 février dernier, Brian McDonald et ses collègues ont démontré que les COV provenant des pesticides, des peintures, des revêtements, des agents nettoyants et des produits de soin personnel détrônaient dorénavant les émissions provenant de l’essence et du diésel dans les villes.

À Los Angeles, par exemple, ces produits représentent 38 % des COV contre 32 % pour les polluants issus du transport, 15 % des sources industrielles et 14 % des raffineries. Mais encore ?

Les COV sont des produits organiques qui s’évaporent spontanément et qui tendent à former des aérosols, ces minuscules gouttelettes qui restent en suspension dans l’air. Lorsque vous faites le plein, vous reconnaissez l’odeur particulière de l’essence et du diésel par la signature olfactive de leurs COV respectifs. Les COV sont plus ou moins nocifs pour la santé, mais ils sont aussi des précurseurs du smog estival. Ce smog photochimique se traduit par la fabrication d’ozone troposphérique, un polluant très agressif qui cause d’importants problèmes de santé publique, particulièrement pour les gens qui souffrent de maladies cardio-respiratoires. Depuis les années 1970, les autorités environnementales des pays ont travaillé très fort pour limiter la pollution des automobiles et camions et ainsi réussi à réduire les émissions de COV de la filière transport. Mais pendant ce temps, les produits de consommation courante émettant des COV se sont multipliés sans entrave, ce qui explique la situation que les auteurs ont décrite. Incroyable ? Une analyse de ces divers COV montre qu’en termes de potentiel de formation d’aérosols précurseurs du smog, la part de ceux issus des produits de consommation s’élèverait à 42 %, contre 36 % pour les carburants.

Les odeurs synthétiques qui génèrent des COV ont aussi un effet sur la santé lorsqu’ils sont concentrés dans l’air intérieur. Les gens qui souffrent d’asthme ou d’autres maladies respiratoires peuvent en être affectés sérieusement. Mais on nous a fait croire que ces odeurs représentaient la propreté et la fraîcheur alors qu’ils ne servent qu’à masquer d’autres odeurs. Comme ces produits n’apportent rien, ni à la propreté, ni à l’hygiène, cela ne serait pas un gros sacrifice de les éviter.

Les auteurs de l’étude signalent que les gouvernements devraient règlementer ces substances, mais l’effort politique d’imposer à l’industrie des normes à cet effet serait semble-t-il rédhibitoire.

Les émissions de COV des produits à usage domestique illustrent bien l’effet du nombre sur la pollution. Une feuille d’antistatique parfumé pour chaque séchage de linge ne semble peut-être pas une grande charge polluante, mais quand chacun l’utilise, cela devient un problème environnemental.

Il y a deux façons de le régler à la source. Les consommateurs peuvent refuser d’en acheter ou n’acheter que le produit équivalent sans parfum chimique. Si l’industrie n’en vend pas, elle tentera dans un premier temps de faire de la publicité pour en mousser les prétendues vertus, ensuite, si les consommateurs persistent à ne pas les acheter, elle les retirera de la fabrication. Dans le deuxième cas, il faut que les gouvernements et les villes en règlementent ou en interdisent l’usage. C’est un processus beaucoup plus long, lourd et complexe. Il a fallu plus de 40 ans pour diminuer les COV de l’essence par la règlementation. Ça fait réfléchir.

https://www.lequotidien.com/chroniques/claude-villeneuve/parfum-de-secheuse-f8eccc795c737b596abeaa8f87ddc655

Épurer la fumée des navires

Les échappements des navires représentent un cinquième des émissions mondiales de noir de carbone. Ce polluant produit un réchauffement local et à court terme en raison de sa capacité à absorber les rayons lumineux et à les transformer en chaleur. La fumée des navires, en plus de la suie et des gouttelettes de diésel, contient des oxydes de soufre qui acidifient les océans et contribuent au smog dans les villes portuaires, affectant la santé humaine, provoquant des surmortalités liées aux maladies cardio-vasculaires. La fumée des navires contient enfin des métaux lourds qui s’accumulent dans les réseaux alimentaires océaniques et affectent les poissons prédateurs et les mammifères marins.

L’enjeu émergent le plus grave concerne la navigation dans les glaces. En effet, le noir de carbone en se déposant sur les surfaces blanches comme la glace ou la neige produit son effet maximal. Alors qu’on parle de plus en plus de navigation commerciale et de croisières dans les eaux de l’Arctique, de l’Antarctique ou même du Saint-Laurent et du Saguenay, cela devrait préoccuper les autorités. La banquise de l’océan Arctique fond de plus en plus rapidement et tarde à se reconstituer en hiver, ce qui a des effets paradoxaux sur le climat à nos latitudes, comme on l’observe cette année.

Mais comment règlementer ce qu’on a de la difficulté à mesurer ? S’il est facile par exemple de transformer le nombre de litres de diésel brûlé en émissions de CO2 par une simple multiplication, la mesure du noir de carbone n’est pas une chose évidente. Il existe deux méthodes. La première consiste à passer un faisceau laser dans la fumée pour mesurer la quantité de polluants en fonction de la lumière absorbée par les particules. La seconde permet d’évaluer les émissions polluantes. À l’aide d’un filtre placé dans la cheminée pendant un temps donné. Les deux imposent des contrôles aux armateurs, ce qui ne fait évidemment pas leur affaire.

Mais il n’est pas nécessaire de mesurer les émissions pour les réduire. En changeant le mazout pour des carburants plus légers, on peut réduire le carbone noir de 35 à 80 % selon le type de navire et de chaudière. En installant un système de captage dans la cheminée, on pourrait collecter au moins 85 % des émissions de noir de carbone.

Les aérosols acides causés par les émissions d’oxydes de soufre ont un effet contraire à celui du noir de carbone. Ils reflètent la lumière et contribuent à un effet refroidissant. L’industrie maritime est actuellement obligée de réduire le contenu de soufre dans ses carburants pour passer de 3,5 % à 0,5 % en 2020. Le Canada, les États-Unis et l’Europe ont déjà appliqué ces normes, mais peu de bateaux sont immatriculés dans ces pays. Les armateurs préfèrent les pavillons de complaisance, moins exigeants.

En revanche, si on réduit le soufre sans réduire le noir de carbone, on n’est pas sortis de l’auberge. Un article paru le 6 février dans Nature Communications évalue que la nouvelle norme sur le soufre, si elle n’est pas accompagnée d’une réduction du noir de carbone, augmenterait le réchauffement attribuable à l’industrie maritime de 3 %.

Ce dilemme illustre la nécessité de penser à l’ensemble des composantes d’un problème. Il n’existe pas de solutions magiques en environnement !

https://www.lequotidien.com/chroniques/claude-villeneuve/epurer-la-fumee-des-navires-ad3f395da27f6cde6a93da568d53620f

Individuel ou collectif?

Il suffit de voir combien nos garages et garde-robes sont encombrés pour le constater. Même si on essaie dans un souci de production et de consommation durable d’éviter les impacts environnementaux et de favoriser le recyclage, il n’en demeure pas moins qu’un mode de vie individualiste est impensable pour une population planétaire toujours croissante. Le fait que plus de la moitié de la population mondiale vive aujourd’hui dans les villes et que cette tendance s’accélèrera dans les prochaines décennies offre un certain espoir pour le développement de services en commun. Les villes doivent offrir à leurs citoyens des outils collectifs. La jeune génération semble plus ouverte à cette dynamique.

Le projet Accès libre vise à augmenter la desserte de l’UQAC et des autres institutions situées sur le plateau de Chicoutimi (CEGEP, CIUSSS) en implantant un terminus, des circuits à haute fréquence pour la Zone Talbot, la rue Racine, des stationnements incitatifs ainsi que des dessertes plus rapides et plus efficaces vers les arrondissements de Jonquière et de La Baie, y compris des navettes spéciales les soirs de party. Le terminus offrira aussi des services intermodaux comprenant entre autres des vélos et des autos électriques en location pour satisfaire un ensemble de besoins de mobilité dans la ville. Le projet envisage aussi une tarification très avantageuse pour les étudiants de l’UQAC de 40 $ par trimestre. Il y a toutefois une condition, c’est que le tarif soit universel et prélevé avec les frais d’inscription. En échange, tous les étudiants bénéficieront d’un accès illimité aux services de la STS. Toutes et tous, qu’ils les utilisent ou pas. Le regroupement des associations étudiantes MAGE-UQAC tiendra un référendum à cet effet à la mi-février. Si la majorité des étudiants se prononce en faveur de l’universalité du prélèvement, ce sera chose faite et l’UQAC réduira son tarif de stationnement de 30 $ par an pour les étudiants. Mais la partie n’est pas gagnée. On entend certains dire : « Moi je continuerai à utiliser mon auto et à payer mon stationnement, alors je ne vois pas pourquoi je paierais 10 $ de plus pour un service que je n’utiliserai pas ! » Individuel versus collectif ? Le débat est lancé.

Dans une perspective de développement durable, les bénéfices du transport en commun sont multiples. On note une augmentation de l’activité physique, donc de la santé cardio-vasculaire, une amélioration de la sécurité de la mobilité, une amélioration de l’accessibilité aux services publics et de la fluidité du trafic urbain si le taux de pénétration est suffisant. La disponibilité de services efficaces de transport en commun réduit d’autant la nécessité d’avoir une automobile individuelle. Sans compter la réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants atmosphériques précurseurs du smog par kilomètre-passager lorsque l’occupation des véhicules est suffisante.

La contribution universelle est un peu comme l’assurance maladie. Tout le monde paye sa cotisation même s’il n’a pas de maladie. La participation de tous permet de maximiser les bénéfices collectifs et d’aider ceux qui en ont besoin. C’est le thème majeur du Programme de développement durable à l’Horizon 2030. En ce sens, il sera intéressant de voir le résultat du référendum. Si nous sommes réellement dans une période de transition socioécologique, il sera clairement positif.

Des goulots d’étranglements

Un rapport récent, produit par le Royal Institute of International Affairs (https://www.chathamhouse.org/), un groupe britannique de recherche, s’intéresse aux goulots d’étranglement dans le commerce alimentaire mondial et leurs effets sur la sécurité alimentaire dans les prochaines décennies. Cette approche est très intéressante et elle nous permettra d’illustrer ce qu’est l’ASD.

La sécurité alimentaire consiste à offrir à tous les humains un approvisionnement alimentaire suffisant, de bonne qualité et abordable de telle manière que chacun puisse mener une vie saine et productive. On voit tout de suite les liens avec l’ODD 1 qui vise à éliminer la pauvreté, l’ODD 3 qui traite de santé et l’ODD 4 qui traite de l’éducation. Mais qu’en est-il de l’énergie, de la réduction des inégalités, des infrastructures, de la conservation des écosystèmes terrestres et marins, de la paix, de la justice et du partenariat international qui font aussi partie de la liste? Regardons de plus près.

Le rapport identifie des goulots d’étranglement qui sont essentiellement des routes du commerce international des denrées alimentaires, en particulier des réseaux terrestres, des ports et des routes maritimes permettant d’acheminer les aliments vers les marchés de consommation. Il identifie aussi trois facteurs qui augmentent la vulnérabilité de ces goulots d’étranglement : 1. la dépendance croissante de certains marchés aux exportations, 2. les changements climatiques et 3. les risques de conflits politiques ou armés. Les éléments identifiés comme goulots d’étranglement peuvent devenir non fonctionnels et priver des populations entières d’approvisionnement alimentaire pour des périodes indéterminées, ce qui engendrerait des crises difficiles à gérer. Par exemple, les risques associés aux événements climatiques extrêmes pourraient interrompre l’exportation du soya brésilien vers le reste du monde, soit en raison de mauvaises récoltes, de routes coupées ou d’infrastructures portuaires rendues inopérantes. Certaines routes maritimes sont aussi sujettes à des risques de conflits armés, par exemple le canal de Suez. L’été dernier, des tensions politiques ont stoppé 40% de l’approvisionnement alimentaire du Qatar pendant presque deux mois. Les recommandations des auteurs du rapport interpellent donc différents niveaux de gouvernance pour anticiper les problèmes et mettre en place des actions pour les prévenir.

Les recommandations sont d’augmenter massivement les investissements dans les infrastructures qui constituent actuellement des goulots d’étranglement pour s’adapter aux changements climatiques et intégrer cette réalité dans les analyses prévisionnelles, renforcer des mécanismes de l’Organisation mondiale du commerce pour éviter les tarifs douaniers ou les tarifs compensatoires. Enfin, le rapport recommande d’organiser mieux la répartition des réserves stratégiques de céréales et de préparer des plans de mesure d’urgence internationaux pour faire face à des crises éventuelles.

Comme on le voit, l’atteinte de la sécurité alimentaire interpelle la majorité des ODD et ne peut se résumer à simplement produire plus d’aliments. La recherche des goulots d’étranglement, des synergies et des antagonismes entre les actions posées pour atteindre l’une ou l’autre des cibles des ODD ici ou ailleurs dans le monde est nécessaire pour mieux comprendre le développement durable. Étudier l’ensemble du système, voilà l’objectif de l’ASD.