Des réfugiés climatiques payants ?

Après que le président Trump ait annoncé le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris le 1er juin dernier, le président Macron de France a lancé un appel historique : « Make our planet great again ! » paraphrasant ainsi le slogan de campagne de son homologue américain aux visions protectionnistes « Make America great again ! ». Mais au-delà des formules choc, le président français a encouragé les chercheurs américains spécialisés dans le domaine des changements climatiques à venir poursuivre leurs travaux en France. Pour faciliter les choses, Paris a débloqué des budgets conséquents pour les accueillir. Il accueillait en quelque sorte des réfugiés climatiques d’un autre type.

 En effet, les politiques du gouvernement Trump sont clairement anti science et à plus forte raison anti changements climatiques. Les coupures de budget qui commencent dans les organismes subventionnaires et à l’EPA, l’agence de protection de l’environnement des Etats-Unis, sont cruelles. Depuis janvier dernier, les « hommes du président » ont aussi entamé une chasse aux sorcières contre les fonctionnaires et les scientifiques qui ont contribué aux négociations sur le climat. Ces gestes mal intentionnés ont semé la consternation dans les universités et les agences de recherche du gouvernement américain comme en témoignent de nombreux éditoriaux publiés récemment dans les plus grandes revues scientifiques.

 Il semble que l’équipe Trump n’ait pas compris que la science aujourd’hui n’est plus uniquement l’affaire d’un pays ou d’un gouvernement, surtout dans un domaine comme les changements climatiques qui ont des répercussions à l’échelle planétaire. La courte vue du gouvernement Trump risque de coûter cher aux Etats-Unis. En effet, au-delà de ce que coûtent les salaires et les subventions des chercheurs, les retombées de leurs travaux, en termes d’innovation, de partage d’expertises et de réputation pour un pays, dépassent largement l’investissement qu’on y consacre.  Emmanuel Macron semble l’avoir compris.

 La revue Nature, dans son numéro du 19 juillet, faisait état de la mouvance des scientifiques américains qui ont décidé de répondre à l’appel d’Emmanuel Macron. Avec un budget de 60 millions d’euros (cent millions de $), les candidatures affluent. C’est probablement l’investissement le plus payant qu’ait fait la France depuis bien longtemps. Des milliers de candidatures de scientifiques américains ont déjà été reçues à tel point que l’Allemagne, jalouse de ne pas avoir eu l’idée en premier en rajoute. Le pays d’Angela Merkel tente en effet à son tour d’attirer des réfugiés climatiques payants.

 Pourquoi ces réfugiés d’un genre inédit valent-ils la peine qu’on les recherche ? Ce n’est pas compliqué. Ces gens ont de très hautes qualifications et leur formation a été payée par les systèmes d’éducation de leurs pays d’origine ou par des bourses internationales. Ce sont aussi des gens qui ont un haut potentiel d’innovation, puisque la recherche oblige à explorer des pistes vierges. Ils doivent aussi relever des défis techniques qui profitent aux secteurs de pointe de l’industrie. Enfin, ce sont des gens qui non seulement contribueront à former de meilleurs spécialises localement, mais qui en plus serviront la réputation des universités et agences au sein desquelles ils travailleront, attirant ainsi des étudiants étrangers. Tout bénéfice !

 Le Canada est presque un satellite des Etats-Unis, pour le meilleur et pour le pire. Mais jusqu’à nouvel ordre il demeure un pays indépendant et il pourrait aussi à l’instar de la France et de l’Allemagne offrir un budget spécial pour accueillir ces réfugiés climatiques d’un nouveau genre. En termes d’investissement, c’est clairement plus prometteur que de continuer de subventionner l’exploitation pétrolière. Mais ce jugement n’engage que moi. À ceux qui pensent le contraire d’en faire la preuve.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi

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