Quatre-vingt-dix-sept pour cent !

Pour la plupart des étudiants, une note de 97% serait un objet de fierté et personne à l’école n’oserait dire qu’il ne mérite pas son diplôme. Avec ce score presque parfait, on peut marcher la tête haute. Mais lorsqu’on parle de consensus scientifique, la chose est moins claire. Le 18 juillet, un article dans la revue « Environmental communication » analyse la fameuse affirmation qui veut que 97% des scientifiques s’entendent sur le fait que les changements climatiques récents sont d’origine humaine. Selon les auteurs, il y a un danger d’utiliser cette affirmation comme le font beaucoup de groupes écologistes à l’appui de leurs revendications.

D’abord d’où vient le chiffre 97% ? Y a-t-il eu une étude scientifique sur le sujet ? Un sondage ? Et de qui parle-t-on quand on parle des scientifiques ? Sont-ce uniquement des climatologues ? Des physiciens ? Des chimistes ? Des géologues ? Des biologistes ? Des glaciologues ? Est-ce qu’on voit plus large et qu’on inclut les spécialistes en sciences humaines ; les économistes, les sociologues ? Déjà, en prêtant flanc à ces questions, le chiffre devient douteux.

Mais en réalité, d’où vient-il ce chiffre ? Dans le rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC publié en 2013 on évaluait avec un très haut niveau de certitude, correspondant à 97%, la probabilité que les causes du réchauffement climatique soient d’origine humaine. Il y a ici un grave glissement de sens : être sûr à 97% ne signifie pas que 97% des scientifiques sont sûrs ! Une étude également publiée en 2013 évaluait que les scientifiques, du moins ceux qui publient sur le sujet, font référence dans à 97.1% des articles, à des changements climatiques induits par l’activité humaine. Une autre plus récente va même jusqu’à 99,14%. Cette donnée est plus facile à vérifier. Mais est-ce pour autant utile de le savoir avec une telle précision ?

En effet, comme le soulignent les auteurs, des sociologues,  on n’a pas besoin d’attendre qu’il y ait l’unanimité absolue de la communauté scientifique pour agir. De plus, les débats entre les scientifiques sont nombreux et vifs. La nature de la science est de questionner les faits sans relâche pour mieux comprendre le réel. Cette démarche exige du sens critique et on n’en manque pas dans la plupart des facultés !

Les formules magiques sont séduisantes. Un jour, quelqu’un dans une conférence de biologistes avait affirmé que depuis le début de séance, 17 espèces avaient sans doute disparu. Il faisait référence au taux de disparition théorique des espèces qui était à l’époque présumé par certains groupes écologistes. Étant président de séance, je me suis permis de lui rabattre le caquet en disant : « Puisque vous l’affirmez, pourriez-vous les nommer ? » Grand silence. Un chiffre n’est pas un argument. Même si le type voulait attirer l’attention sur l’urgence de se préoccuper de la biodiversité, ce qui est une vérité absolue, son extrapolation sur une extrapolation elle-même issue de données très incertaines l’a desservi. Peu importe que 97% des scientifiques de tout acabit soient d’accord avec quelque chose, cela ne veut pas dire qu’ils ont raison. En revanche, que des experts du climat ayant analysé la littérature mondiale publiée sur le sujet aient la presque certitude que les changements climatiques n’ont pas d’autres causes que les actions des humains et qu’ils soient capables de le démontrer par des études sérieuses et documentées, révisées par les pairs, c’est beaucoup plus fort, mais il faut plus de mots pour le dire. Là réside le piège.

Les climatosceptiques qui sévissent encore savent profiter de la naïveté des gens. À chaque formule magique, ils en assèneront une autre qui sème le doute. J’en suis convaincu à 97% !

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi

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