La forêt au secours du climat

Le 6 juillet, le ministre français de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a annoncé un plan ambitieux de lutte aux changements climatiques visant à faire de l’Hexagone un pays carbo-neutre en 2050.  La France devient ainsi le troisième pays à annoncer cet objectif, après la Suède, qui veut y parvenir en 2045 et le Costa-Rica en 2021.

 Devenir carbo-neutre ne signifie pas qu’on ne produira plus d’émissions de gaz à effet de serre, mais il faudra que le bilan des absorptions et des émissions soit équilibré. Pour y arriver, il faut diminuer les émissions et augmenter les absorptions. Divers moyens de diminuer les émissions sont envisagés, dont l’interdiction de vendre des voitures à moteur thermique après 2040 annoncée dans la foulée du nouveau Plan climat français. Mais que faire pour les absorptions ?

 La semaine précédente, l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut national de l’information géographique et forestière ont publié une étude majeure sur la contribution des forêts françaises à la lutte aux changements climatiques. L’étude examine les freins et leviers forestiers à l’horizon 2050 (http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Forets-filiere-foret-bois-francaises-et-attenuation-du-changement-climatique#). En gros, la question qu’on y pose est doit-on laisser pousser les forêts pour stocker un maximum de carbone en 2050 ou au contraire, intensifier la coupe pour atteindre un meilleur résultat en termes de lutte aux changements climatiques. En s’intéressant à la façon dont la filière forêt-bois dans son ensemble pourrait poursuivre, voire accroître, sa contribution à la lutte aux changements climatiques, on a comparé les effets de plusieurs scénarios d’évolution des forêts françaises dans les trois prochaines décennies. La réponse est paradoxale, mais claire : quel que soit le scénario d’exploitation envisagé, les résultats montrent un renforcement probable du rôle de la filière forêt-bois française dans l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Quel que soit le scénario d’impact (hausse des températures, tempêtes, incendies, invasions biologiques), la capacité de stockage de carbone de la filière à l’horizon 2050 reste positive et ce d’autant plus que la gestion forestière est active. Il faut planter, éduquer les peuplements, récolter les bois pour alimenter les filières des matériaux de construction, du meuble, mais aussi de la chimie verte et de la substitution des carburants fossiles pour la production d’électricité et de chaleur. C’est tout un programme, mais les retombées sur le climat et l’économie locale sont significatives.

L’exemple français devrait inspirer de telles études au Québec. Actuellement, on ne connaît à peu près rien du potentiel de notre forêt exploitée ou préservée pour la lutte aux changements climatiques. Le gouvernement du Québec n’a même pas encore publié sa méthodologie pour évaluer les crédits de carbone qui pourraient résulter de projets dans le secteur forestier.

Nous avons bien sûr mis en place des dispositifs expérimentaux dans le projet Carbone boréal (http://carboneboreal.uqac.ca) mais il faudra encore bien des années pour avoir des résultats probants et ils ne s’appliqueront qu’à une portion de la forêt qui, de toutes façons ne fait pas partie de la possibilité forestière. Pour la substitution des carburants fossiles, notre analyse de cycle de vie réalisée pour le Réseau biomasse forestière Matapédia montre avec éloquence le bénéfice pour le climat de ce genre d’opérations. Le Québec dispose d’une immense capacité forestière qui pourrait contribuer plus efficacement à la lutte aux changements climatiques et peut-être prétendre nous aussi à la carbo-neutralité en 2050. Il faudrait bien quelques études comme celles de la France pour le réaliser pleinement.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi

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