Si c’est raté, on fait quoi ?

En effet, le calcul du chiffre magique de la quantité d’émissions nécessaires pour réchauffer le climat planétaire ne tient compte que des émissions humaines. Mais le réchauffement va provoquer la fonte de pergélisol. Cela cause d’importantes émissions de méthane et de CO2 par la décomposition de la matière organique qui y est stockée. Cet effet indirect est difficile à quantifier, mais les simulations réalisées par Thomas Gasser, chercheur à l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués en Autriche et ses collègues ont permis de recalculer le budget carbone en tenant compte de cet effet pergélisol. Si cela devait nous surprendre, le résultat montre que la cible sera encore plus difficile à atteindre. Comme je le disais en 2013, il est déjà trop tard. Alors qu’est-ce qu’on fait ?

D’abord, il faut savoir que l’approche du budget carbone est un calcul très simplifié qui a été inventé pour faire comprendre aux décideurs la nécessité d’agir et que la limite de 2 degrés est une estimation d’un seuil à ne pas dépasser pour permettre l’adaptation. Leurs fondements scientifiques sont certes solides, mais dans les deux cas, il demeure d’énormes incertitudes pour prédire correctement l’évolution du système climatique. Il faut comprendre que la planète n’évolue pas de manière linéaire et que l’expérience que nous sommes en train de lui faire subir n’a aucun comparable historique. Donc pour être clair, il faudrait dire que les probabilités de ne pas dépasser un réchauffement de 2 degrés s’amenuisent à mesure que le temps passe et que les émissions anthropiques continuent de s’accumuler dans l’atmosphère. Mais si la cible est ratée, faut-il baisser les bras ? Surtout pas !

La lutte aux changements climatiques est le plus important défi que l’humanité aura à relever dans les prochaines décennies. Les conséquences seront moins graves si on limite le réchauffement à 2,5 ou à 3 degrés que si on laisse dégénérer les choses vers un réchauffement de 4 ou même de 6 à 7 degrés comme le prévoient les scénarios les plus pessimistes (voir le scénario Trump paru dans cette chronique le 11 juillet dernier). Nos politiciens ont tendance à se fixer des objectifs peu réalistes dans le domaine climatique parce que le résultat à atteindre dépasse leur mandat. On le voit bien avec les cibles du Canada et du Québec qui seront ratées, tant pour 2020 que pour 2030.

Depuis 1990, les gouvernements hésitent à prendre le taureau par les cornes et à engager la nécessaire transformation de l’économie qui nous permettra de sortir de l’ère des combustibles fossiles. Il s’agit d’une transition à la fois technique, comportementale et culturelle qui concerne tout le monde et son voisin, donc au premier chef vous et moi. S’entendre sur une cible n’est pas un résultat. C’est comme prendre une résolution du jour de l’An. Ça ne fait pas maigrir si on ne change pas ses habitudes. Les économistes sont de plus en plus d’accord, il en coûtera énormément plus cher de réparer les dégâts attribuables à un climat détraqué que d’agir maintenant pour les prévenir. Il est plus que temps de se retrousser les manches !

Claude Villeneuve