Tirer les marrons du feu

La Californie est un état américain qui se démarque de la politique fédérale. Alors que le président Trump s’est retiré de l’Accord de Paris le premier juin dernier, l’état rebelle annonce cette semaine son intention de monter la plus grande initiative de recherche sur les changements climatiques, leur atténuation et l’adaptation à leurs conséquences.  Le projet, piloté par les grandes universités, s’il se concrétise, sera le plus grand investissement jamais fait dans le domaine de la recherche en environnement. Dans le numéro du 17 août de la revue Nature, on trouve un article (http://www.nature.com/news/california-scientists-push-to-create-massive-climate-research-programme/)  qui annonce les paramètres de ce projet ambitieux. Il est bien connu que la Californie n’a pas peur de l’innovation !

Mais en Californie ou ailleurs, la recherche se heurte toujours au manque de financement. Il n’y aura jamais assez d’argent pour soutenir toutes les bonnes idées. Alors, que proposent les universités pour régler ce détail ? Pour les promoteurs du projet, c’est le revenu du système Western climate initiative (WCI) d’échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre  auquel participe le Québec et bientôt l’Ontario qui devrait être mis à contribution.  Ce système impose aux entreprises de réduire leurs émissions ou d’acheter des crédits d’émissions pour justifier leur atteinte des objectifs déterminés par l’état. La cible du Québec est de réduire les émissions totales de la province de 20% par rapport à 1990 en 2020 et de 37,5% en 2030, la cible la plus ambitieuse en Amérique du Nord. Les crédits compensatoires sont générés par des émetteurs non règlementés qui font des projets de réduction ou par des entreprises qui dépassent leur cible. Les états responsables du système vendent des quotas aux entreprises, ce qui génère des revenus importants. Au Québec, ces fonds sont dédiés au Fonds vert qui aura récupéré plus de trois milliards de dollars en 2020.

Le projet californien vise à soutenir les universités pour faire de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée permettant de trouver des solutions. Ces solutions pourraient constituer le « Manuel de pilotage du vaisseau spatial Terre » pour atteindre la cible de l’Accord de Paris.  Il ne faut pas négliger non plus l’avancement technologique et les innovations de procédés qui peuvent résulter d’une telle initiative. Appelé « California Climate Science and Solutions Institute » le projet pourrait se réaliser rapidement, les 10 campus de l’Université de Californie et des institutions privées comme Caltech et Stanford s’y sont associés. Les professeurs de toutes ces institutions pourraient voir financer leurs recherches. Il reste à convaincre la législature de libérer les fonds, ce qui n’est pas encore acquis, on s’en doute. Toutefois, les promoteurs croient qu’on pourrait inaugurer l’Institut en septembre 2018.

Il serait tout à fait possible d’imaginer quelque chose de semblable au Québec. Le Fonds vert pourrait être dédié en partie à la recherche universitaire. Nous avons déjà le Consortium Ouranos qui depuis 2002 travaille à comprendre la climatologie régionale, à prévenir les impacts et à préparer l’adaptation.  Dans le réseau universitaire, les besoins sont grands et l’apport d’un fonds dédié à la recherche sur les changements climatiques pourrait stimuler beaucoup d’initiatives prometteuses et améliorer à la fois la sécurité des citoyens et la compétitivité industrielle. Si ce programme était jumelé avec celui de la Californie, nos chercheurs auraient accès à encore plus d’argent et d’expertise.

Les innovations arrivent rarement sans la recherche. Les états qui l’auront compris seront ceux qui pourront tirer les marrons du feu et développer leur économie dans un monde où la contrainte climatique sera de plus en plus à l’ordre du jour.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi

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