Une limite à la transition énergétique

La 22ème conférence des Parties sur le climat (CdP22) vient de se terminer à  Marrakech. Elle a été l’occasion du dépôt de plusieurs analyses et prospectives concernant les moyens à prendre pour limiter l’augmentation de la température planétaire en bas de 2 degrés au 21ème siècle. Le domaine de l’énergie a été mis en vedette, comme il se doit car c’est de ce secteur que proviennent la majorité des émissions de gaz à effet de serre (GES) affectant le climat planétaire. C’est donc dans le secteur des carburants fossiles qu’il faut porter les premiers efforts pour réduire les émissions de GES car ils représentent encore 80% de l’approvisionnement en énergie primaire utilisée dans le monde. On a baptisé « transition énergétique » le changement nécessaire pour réduire la dépendance de l’humanité aux carburants fossiles tout en continuant de satisfaire les besoins en services énergétiques (électricité, chauffage, force motrice) d’une population. Au Québec, par exemple, on a fait une certaine transition énergétique en remplaçant le chauffage au mazout par le chauffage à l’hydroélectricité dans les années 1990. La volonté du gouvernement de réaliser une électrification des transports dans les prochaines décennies s’inscrit aussi dans cette transition. Mais au Québec, plus chanceux qu’intelligents, la chose est facile. Notre électricité provient à 99% de sources renouvelables, hydroélectricité et éolienne, et le potentiel est encore important à coût raisonnable. Pour le reste du monde il en va tout autrement avec une demande qui devrait augmenter de près de 50% d’ici 25 ans.

Chaque année, l’Agence internationale de l’Énergie (AIÉ), un organisme de l’OCDE, publie le Global Energy Outlook, un rapport de prospective sur l’évolution de la situation énergétique dans le monde. Dans sa dernière mouture lancée le 16 novembre, l’AIÉ examine divers scénarios de transition énergétique pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Mais cette fois-ci, elle met le doigt sur une limite qu’on n’avait pas vue et qui disqualifie certains de ces scénarios. On y apprend en effet que pour passer des carburants fossiles à d’autres sources d’énergie renouvelables ou à faible impact en émissions de GES comme le nucléaire, le facteur déterminant pourrait bien être la disponibilité de l’eau.

 Les experts de l’AIE rappellent une donnée fondamentale: pas de production d’énergie possible sans eau. Il faut de l’eau pour extraire du charbon, pour faire la fracturation hydraulique, raffiner des hydrocarbures, refroidir des centrales électriques (thermiques et nucléaires), actionner les turbines des barrages, fabriquer des agrocarburants. Même les panneaux photovoltaïques ont besoin d’être dépoussiérés. Naturellement, les besoins de chaque filière sont variables mais les plus beaux projets peuvent se voir limités par la disponibilité de l’eau, surtout dans les zones semi-désertiques. Ce besoin en eau entre en compétition avec la production agricole et l’approvisionnement des industries et des ménages. L’irrigation consomme en effet 70% de l’eau douce que nous prélevons alors que l’eau potable, l’industrie et l’énergie se partagent également le 30% restant. Sur les 400 milliards de mètres cubes prélevés pour l’énergie, aujourd’hui, 87% sert au refroidissement des centrales, 5% à l’extraction d’hydrocarbures et 7% à la production d’agrocarburants. Les filières d’énergie renouvelables sont-elles plus sobres ? Pas nécessairement. S’il faut très peu d’eau pour produire 1 megawattheure (MWh) d’électricité avec un parc d’éoliennes ou une centrale hydroélectrique, la production d’une tonne équivalent pétrole d’éthanol de canne à sucre demande 1 million de litres d’eau et il en faut 1000 litres par MWh avec une centrale géothermique ou solaire.

Rien n’est simple. Dans la planification de la transition énergétique, il faudra avoir une vision globale !

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