Vers la transition énergétique ?

« L’humanité n’est pas sortie de l’âge de pierre parce qu’il n’y avait plus de pierres. Elle ne sortira pas du pétrole par manque de pétrole !». Cette citation est attribuée à Ahmed Zaki Yamani, ministre de l’énergie d’Arabie Saoudite qui fut l’un des architectes du premier choc pétrolier de 1973.   Cela peut nous inciter à réfléchir à la situation actuelle du Canada qui se débat dans la schizophrénie politique ; à la fois pays exportateur de pétrole disposant d’une des plus grandes réserves au monde et en même temps obligé de s’adapter à des changements climatiques rapides et dévastateurs qui ne feront que s’amplifier dans les prochaines décennies.

Le Canada dispose aussi de très vastes flux d’énergie renouvelable à faible empreinte carbonique. L’eau, le vent, le soleil, la géothermie ou les marées peuvent aisément, avec les moyens modernes de production, de stockage et de transport, être appelés à remplacer les carburants fossiles dans un vaste projet de transition énergétique. Mais comment réaliser cette transition ? C’est cette question à laquelle s’est attaqué le collectif « Dialogue pour un Canada vert », un regroupement indépendant de 71 universitaires canadiens, à la demande de Ressources Naturelles Canada à l’automne 2016.  Leur rapport intitulé « Rebâtir le système énergétique canadien. Vers un avenir sobre en carbone » sera lancé vendredi 26 mai à Ottawa. On pourra le trouver à http://sustainablecanadadialogues.ca/fr/vert/energie à compter de jeudi soir.

 J’ai eu le plaisir de participer à cette réflexion dans un processus très stimulant piloté par l’équipe du professeur Catherine Potvin de l’Université McGill. Le rapport fait le pont entre la prise de décision et les réflexions des universitaires au sujet de l’énergie et des changements climatiques en offrant plusieurs suggestions destinées aux gouvernements canadiens (du fédéral aux municipalités) et aux citoyens pour réaliser cette transition. Malgré le rôle important des ressources naturelles et des technologies, l’enjeu majeur identifié est la gouvernance. En effet, les barrières sociales, politiques et institutionnelles sont le principal frein à la transition énergétique vers une économie sobre en carbone.

Il faut comprendre que dans toute son histoire, l’économie canadienne a été basée sur l’exploitation de ressources naturelles pour des marchés extérieurs. L’abondance de nos réserves de carburants fossiles a profondément marqué à la fois notre mode de vie, nos villes et notre infrastructure industrielle. Cela a des impacts sur l’environnement. Par exemple, la volonté d’exporter le pétrole extrait des sables bitumineux justifie au moins quatre projets de pipelines. Si l’un ou plusieurs de ces pipelines sont construits, la position concurrentielle du pétrole canadien sur le marché mondial sera améliorée, ce qui justifiera l’augmentation de l’extraction de ce dernier et provoquera une augmentation significative des émissions de gaz à effet de serre. Cela rendra d’autant plus difficile l’atteinte des objectifs canadiens consentis dans l’accord de Paris. Quant à la cohérence de tout cela avec la stratégie canadienne de développement durable, il faudra une firme de communication particulièrement créative pour l’expliquer !

Un de mes maîtres à penser, le professeur Francesco di Castri disait « L’abondance des ressources naturelles n’est pas un gage de développement durable, bien au contraire ! ». Notre mode classique de développement basé sur l’utilisation de l’énergie fossile est un lourd atavisme dont il faudra se sortir. Les propositions concrètes et documentées de « Dialogue pour un Canada vert » ouvrent des pistes pour entreprendre sereinement la transition énergétique et mettre en œuvre la mécanique vertueuse du développement durable. Chacun pourra y trouver matière à réflexion.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil

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