Splich splatch !

Le printemps 2017 passera sans doute à l’histoire pour le niveau de la crue printanière dans le bassin versant du Saint-Laurent. Outre de nombreuses maisons inondées, les dommages liés à la combinaison des fortes précipitations et de la fonte des neiges ont causé des dommages et des désagréments dont on se remettra sans doute, mais qui nous laissent présager de notre vulnérabilité aux changements climatiques. Et il y a plus.

 La semaine dernière, on a appris que la couverture de glace en mars dernier  dans l’Arctique a été la plus faible jamais enregistrée. Une importante étude signée par 90 scientifiques montre que le réchauffement va beaucoup plus vite que prévu. Les mesures du couvert de glace, de neige et de pergélisol ne cessent de diminuer (https://www.amap.no/documents/doc/Snow-Water-Ice-and-Permafrost.-Summary-for-Policy-makers/1532). Il y a une bonne raison pour cela, la température moyenne de surface de l’Arctique s’est réchauffée de 3 degrés C entre 2000 et 2014. Cela modifie de manière importante la prévision faite dans le cinquième rapport du GIEC en 2013 pour l’augmentation du niveau de la mer. Même si les émissions de gaz à effet de serre progressent selon les trajectoires respectant l’Accord de Paris, l’augmentation minimale du niveau de la mer sera de 52 centimètres d’ici 2100 et pourrait dépasser 75 centimètres. Ce sera catastrophique pour plusieurs villes et communautés localisées sur le littoral. Partout où on est soumis à la marée, de Trois-Rivières jusqu’en Gaspésie, les potentiels d’inondations viendront à la fois des hautes marées et des crues des rivières comme celles que nous vivons ces jours-ci.

 L’enjeu de l’adaptation est crucial. Des villes comme Rotterdam en Hollande, ont déjà envisagé ce problème, non sans raisons ; les terres entourant la ville sont situées jusqu’à 7 mètres sous le niveau de la mer !  La ville a adopté en 2008 un plan d’adaptation aux changements climatiques qui lui permette de rester accessible, sécuritaire, vivable et attractive pour les habitants et les investisseurs en dépit des changements climatiques au 21ème siècle. L’approche de ce plan est systémique, c’est-à-dire qu’elle prend en considération non seulement la protection des infrastructures et la sécurité publique, que les eaux viennent de la mer ou du débordement de la Meuse, fleuve à l’embouchure duquel elle est située. Le défi n’est pas mineur, puisque les infrastructures essentielles de la ville, comme l’usine d’épuration des eaux, les centrales énergétiques, les chemins de fer et la gare sont en dehors de la zone protégée par les digues qui entourent la ville. Son port de mer, un des plus actifs au monde, devra lui aussi rester fonctionnel.  Même si les digues qui protègent la ville au nord et au sud ont été conçues respectivement pour des crues de 10 000 et de 4 000 ans de la Meuse, les experts s’entendent que cela ne sera pas assez en 2100. Même si la ville elle-même est située au dessus de la mer, si le niveau de l’Atlantique cause de débordements par gros temps, les corridors routiers et ferroviaires qui mènent au centre-ville pourraient être coupés. Bref c’est un méchant casse-tête. Les autorités ont donc mis en œuvre un vaste programme qui va de l’installation de clapets anti-retour dans les égouts à la plantation d’arbres. On étudie même la possibilité d’installer des quartiers complets de maisons flottantes qui pourront s’élever sur des pilotis lors des inondations.

 Qu’en est-il chez nous ? On peut toujours appeler l’armée à la rescousse, mais qu’arrivera-t-il lorsque l’eau envahira la rue Dalhousie à Québec ou la zone portuaire de Chicoutimi à la faveur des marées d’équinoxe ? La planification systémique des inondations est un impératif pour l’adaptation aux changements climatiques. On peut s’inspirer de ceux qui s’y consacrent déjà, car cela nous pend au bout du nez.

Claude Villeneuve
Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil

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